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Les zones de confort

Bon, hier, joli dimanche d’hiver, rayons chatoyants du soleil couchant…Non je rigole, je vais pas dire chatoyant, c’est pas dans ma zone de confort.

Donc hier, pour la première fois depuis 2 ans, je sors courir. J’ai repris il y a quelques semaines, du fractionné 30 secondes/30 secondes pendant 2 minutes, puis 3, puis 4 ; les gens se disaient « ah ben tiens les voilà de retour les joggeurs du confinement 2 ».

2 ans sans courir, dont 1 an de béquilles, un peu de fauteuil. 2 ans de douleurs, de fonte musculaire, de kinésithérapie, d’efforts, de lassitude, d’impatience, de colère, de tristesse. Dans ma tête tout ça. Pas écrit sur mes baskets.

Donc hier, j’ai couru 20 minutes d’affilée, comme un escargot, mais un escargot qui monte à 180 pulses quand même. Je me suis fait doubler par tous les joggeurs du coin, ils devaient se dire « pfff mais elle laisse tomber, qu’elle choisisse un autre sport et surtout qu’elle arrête de manger ahahaha ». J’avais de l’adrénaline de partout, j’avais envie de serrer tout le monde dans mes bras, de sauter à l’envers, de faire des figures de Yamakasi.

Et puis à la fin des 20 minutes, je m’arrête, je marche, je récupère. Je contrôle mon cardio, ça descend bien, je kiffe ma life. Y a toujours du soleil qui me chatoie, j’ai toujours envie d’embrasser tous les promeneurs, de lever les bras en l’air comme les sportifs font quand ils gagnent la coupe là.

Et soudain, v’là ti pas qu’un petit malin vient briser ma rêverie marchante : « Eh oh vous là, je vous ai vu vous arrêter !! » me alpague-t-il. « Je vous ai vu là courir puis vous arrêter, c’est pas bien ça, faut sortir de sa zone de confort, faut arrêter de procrastiner » poursuit-il, binouze à la main, ti oinj au bec, oklm.

J’ai eu un peu de peine à me débarrasser de se badaud pas forcément mal intentionné. Peut-être son p’tit jeu du jour que de parler à n’importe qui, une façon de sortir de sa zone de confort ?

Personne ne sait où est la zone de confort de l’autre. À moins d’être à son écoute ?

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La valeur des êtres

Aujourd’hui, j’ai passé toute ma journée sur le canapé, à ne rien faire. Maladie éternelle, peine sempiternelle. À 30 ans, je suis condamnée à l’immobilisme.

Ces journées canapé, je les appelle mes journées « pourries ». Et dans la société qui m’a façonnée, elles me font me sentir terriblement inutile. En effet, aujourd’hui, à la fin de ma journée, quel bilan ? quel apport ? à qui ? ou même, combien d’argent ?

Je me souviens d’un reportage récemment, où l’on montrait des réanimateurs qui faisaient des points réguliers sur des patients hospitalisés covid. La question à chaque fois c’était : « On continue les soins ou on arrête ? ». On en vient à discuter de Madame M, 70 ans : son état se dégrade avec régularité, ça commence à faire 3 semaines qu’elle est hospitalisée en réanimation, ça va être dur pour elle de s’en remettre si on continue. Et là, quelqu’un de dire : « Malgré son âge, c’est quand même une dame autonome qui s’occupe de ses petits-enfants ». Et un confrère de répondre « Alors on continue les soins ».

On y était, Madame M était utile. À la fin de ses journées, avant son covid, Madame M pouvait se satisfaire de ne s’être jamais assise sur le canapé, et même :
-d’être allée chercher ses 2 petits-enfants chez sa fille à 7h30
-de les avoir gardés jusqu’à 8h20 puis de les avoir déposés à l’école
-d’être allée les chercher à 16h30
-de les avoir gardés jusqu’à 20h, les accompagnant avec amour dans les devoirs, le bain, le repas du soir et le coucher.

Madame M était utile à sa fille, utile à ses petits-enfants, donc utile à la société. Économies d’argent grâce à elle, amour gratuit grâce à elle.

Madame M méritait donc de vivre.

Je me suis alors imaginée à la place de Madame M. J’aurais attrapé le covid, et je serais là, à 30 ans, hospitalisée en réanimation, à me dégrader progressivement. Ce serait le jour du point régulier sur les patients hospitalisés. « Madame Manon, ça fait déjà 3 semaines qu’elle est hospitalisée en réanimation, qu’est-ce qu’on fait ? ». Et là, quelqu’un dirait : « Malgré son jeune âge, Madame Manon c’est quand même une dame dépendante qui passe des journées entières à ne rien faire sur son canapé ».

On déciderait donc que Madame Manon n’était pas vraiment utile.
On penserait que Madame Manon n’avait pas vraiment besoin de vivre.

À tous les inutiles.

 

PS : ce billet a été repris en mai 2021 par la revue médicale Prescrire. On m’a demandé si un titre plus inclusif était envisageable (le titre initial était : « La valeur des hommes ») et j’ai donc donné mon accord pour « La valeur des êtres ». J’avais déjà beaucoup réfléchi au titre avant. Naturellement, l’inclusion pour moi, c’est l’évidence. Mais le mot « homme » existe. J’ai vérifié sa définition dans plusieurs dictionnaires, et le Littré par exemple indique bien en définition 2 : « L’homme, l’être humain en général. » Je suis très attachée à la richesse de la langue française d’une part, et d’autre part à la douceur phonétique qu’offre le mot « OM » en une syllabe, simple, miroir de notre fragilité. Enfin, l’ouvrage « Des souris et des hommes » a marqué notablement tout mon « parcours de curiosité culturelle », donc ce titre est pour moi un façon de rendre hommage à la plume merveilleuse de Steinbeck.

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Le classeur médical

Bon. Ça va faire 12 ans que je suis malade. Les premiers symptômes vraiment bruyants en septembre 2008, et un premier diagnostic assez vite, en 2009, qui avait permis d’avoir accès à des gros médicaments, des « bazookas » comme disait le Docteur, tout fier déjà à l’époque d’utiliser le champ lexical de la guerre. J’avais 22 ans. J’ai eu de la chance, 22 ans c’est ni trop jeune (enfance tranquille) ni trop vieille (cerveau qui mémorise). Donc, jusqu’à aujourd’hui, je n’avais jamais fait de classeur médical digne de ce nom. Presque tout dans la tête. Quelques antisèches sur l’appli Notes du smartphone (mes 12 AG, mes 12 fractures spontanées), des pochettes par-ci par-là, entamées un jour, abandonnées toujours.

Un fois en 2016, un Docteur sympa m’avait dit : « je suppose qu’avec tous vos problèmes, vous devez avoir un gros classeur avec tous les documents médicaux bien rangés. » C’était le genre de Doc ultra bienveillant. Le très jeune qui n’a pas encore eu le temps de voir éventuellement son melon pousser et ses certitudes s’enraciner. Pas le genre à dire « Oh là là Madame un classeur médical mais vous êtes une psychopathe une patiente MGEN une névrosée ».

Eh oui, parce que ça arrive que plein de gens – tout simplement organisés – aient des classeurs médicaux. Après tout, normal. On a environ tous un classeur banque, électricité, internet, scolarité, diplômes, urssaf etc. On a même un carnet de santé pour les vaccinations de son furet de compagnie. Alors pourquoi pas un classeur médical ? Y compris comprenant des vieilles ordonnances de paracétamol ou des biologies normales de y a 10 ans ? Oui parce que pour plein de gens, le Paracétamol c’est aussi important que le Glivec, parce que ce n’est pas leur compétence de différencier des molécules. Pareil pour les biologies. Plein de gens ne savent pas si elles sont normales, si même vieilles elles peuvent être utiles plus tard. Bref, ces « gens à classeur » sont stylés et ne méritent pas, me semble-t-il, moqueries et/ou blâmes.

Maintenant je reviens plus particulièrement sur les énormes triples classeurs médicaux des gros patients, dits « poly-pourris » n’est-ce pas, avec beaucoup de problèmes ; les problèmes étant souvent traités indépendamment par des médecins de spécialités hermétiques les unes des autres. Eh bien je vous assure que ce genre de gros classeurs, ils font mal. Ils font mal à organiser. Ils font mal à trimbaler. Ils font mal à montrer à quelqu’un.

En effet, qui aime être malade ? Personne.

Aujourd’hui, j’ai acheté des intercalaires pour commencer mon vrai classeur médical, digne de ce nom, délester ma mémoire, peut-être alléger ma charge mentale. Comme une fleur, j’ai acheté 12 intercalaires, ce serait 1 intercalaire par spécialité médicale, parce qu’avec ma maladie systémique poly-pourrie, l’interniste veut que je continue de me balader chez tous ses Chers Confrères spécialistes. J’ai pensé au magasin, avec un fort dédain : « 12 intercalaires pour mon classeur ?! mais c’est beaucoup trop ! ».

Et puis chez moi j’ai commencé à trier, lentement, le gros bordel en vrac qui s’était environ accumulé dans un gros tiroir depuis 12 ans. Après quelques minutes de ce rangement tant redouté, je m’aperçois que les 12 intercalaires ne suffisent pas…Il va falloir un second classeur, et davantage d’intercalaires…En 12 ans, je n’avais jamais capté que je voyais plus de 12 spécialistes. Gros coup dur. Voilà peut-être en partie pourquoi je ne voulais pas faire ce foutu classeur médical.

Derrière chaque classeur, si mince soit-il, si gros soit-il, il faut toujours percevoir : une souffrance. Et forcément à un moment, de l’inquiétude, sur le passé, sur l’avenir. Accueillons ces classeurs médicaux sans jugement, sans commentaires. Contentons-nous tous, soignants et soignés, d’en faire bon usage : pour le soin.

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Deuxième vague, pas deuxième vague, et blablabla

Bon. Fin juin 2020. On regarde la courbe du coronavirus en France, ouf, c’est une gaussienne, tout le monde est content parce qu’on est vers le bas de la courbe, et un pic (un maximum local) a été passé. Ouf ouf « la crise est finie ». Ouf ouf on a été très courageux. Ouf ouf on mérite une belle récompense. Des médailles des badges, et puis surtout, au placard le masque, c’est relou c’est chiant ça gratte.

De toute façon maintenant c’est bon, les médecins ont dormi, les internes ont fait leurs premières semaines dans leur nouveau service, le SAMU est désaturé, ouf ouf si j’ai le virus ben j’irai à l’hôpital et puis voilà, c’est mon droit mon choix.

Contaminer les autres ? J’m’en fous c’est bon ça va. Personne ne saura que c’est moi d’abord. Et puis c’est bon maintenant, y a de la place à l’hôpital.

Alors. Y aura-t-il, y aura-t-il pas, une deuxième vague ?

Docteur Le Savant qui est un grand urgentiste infectiologue dit qu’il n’y aura pas de deuxième vague parce qu’on est tous immunisés parce que les chiffres qu’on a ne sont pas les bons, et parce que Docteur Le Savant, ça fait 30 ans qu’il est médecin, c’est pas à un vieux singe qu’on va apprendre à faire la grimace. La médecine (et le reste), il sait mieux que tous les autres.

Mais quand même y a Professeur Leplufor qui est infectiologue épidémiologiste et qui dit attention il y aura une deuxième vague parce que c’est comme ça que ça c’est passé en 1918 et que lui il sait mieux que tout le monde parce que son grand-père Leplufor était un aussi un épidémiologiste microbiologiste en 1918.

Et puis après y a Docteur Influenceur qui a 100 000 abonnés sur Twitter et qui dit que blablabla blablabla blablabla.

C’est marrant tout ça. De mon côté, mon côté de patiente avec une maladie qui fait « des vagues » depuis 10 ans, à chaque fois que je demande à un médecin ce qui va se passer dans le futur pour moi, je me fais recadrer ni une ni deux : « MADAME je suis médecin je n’ai pas une boule de cristal ! ».

Et maintenant des boules de cristal fleurissent de toutes parts. J’aimerais bien soumettre à tous ces grands experts qui ont sorti leurs super pouvoirs, mon avenir. Qu’est-ce que ce serait pratique. Mais serait-ce vraiment pertinent ?

La maladie imprévisible m’a appris un truc. On ne peut rien prévoir, sauf prévoir l’imprévisible : on sait qu’on ne sait pas ce qui va se passer.

Peut-être ce sera une grosse vague, peut-être une petite vague, peut-être un gros pâté, peut-être un château de sable, peut-être une fonction affine, une fonction escalier, une fonction cube, une sinusoïde au carré, une asymptote, une limite infinie à l’infini.

Je me demande d’où vient cette fascination pour les vagues et autres prédictions plus ou moins mathématiques.

Tout ce que je vois c’est qu’on teste et qu’on trouve du virus. On en trouve plein. Il est toujours là. Pas besoin d’être Madame Irma pour constater ça.

Ni même Docteur Le Savant, Professeur Leplufor, ou Docteur Influenceur.

Le virus est toujours là. Protégeons-nous c’est tout.

PS : il est prouvé scientifiquement qu’on ne sort pas toujours vivant de l’hôpital. Le coronavirus est parfois mortel.

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Le savoir vivre au temps du coronavirus

Bon. Ça y est les gens ressortent un peu. On me demande : « Alors ça y est tu sors ? » Et moi je réponds : « Ça y est, je ne sors plus. » Tiens, mais pourquoi ça ?

Pendant le confinement, il n’y avait personne dans les rues, personne chez le médecin, personne au labo d’analyses, personne au centre d’imagerie. Du moins, pas beaucoup de monde. Quel bonheur d’avoir tout le trottoir pour soi en fauteuil roulant. Quel bonheur de ne pas attendre chez le médecin. Des chaises partout, en veux-tu en voilà.

Et puis ensuite, déconfinement oblige, les gens sont ressortis. Bien sûr, il fallait bien qu’ils sortent. Ça les avait soûlé cet enfermement. Puis fallait qu’ils sortent avec un masque, alors ils étaient vénère intérieurement. Ça gratte ici, ça irrite là, vraiment chiant quoi. Décidément la maladie, comme c’est pénible. Elle nous maintient à la maison, elle nous irrite le visage et le cerveau, parfois même elle tue, et alors on est vraiment triste. Bref, la maladie, « c’est devenu l’affaire de tous ».

Dans un premier temps j’ai pensé : « hummm mais très bien, très bien, les gens vont enfin comprendre ce que c’est que de subir la maladie ».

Et puis j’ai compris ce qui s’est passé vraiment dans les têtes. Ça y est. La maladie, on la subit tous. On doit tous faire la queue pendant des heures à 1 mètre de distance chacun. Ça casse les couilles. Tout ce temps perdu à attendre à faire la queue. En profiter pour méditer ? Foutaises.

Ah tiens, y a un Papy dans la queue. Je l’observe, j’ai le temps, j’ai rien à faire, je ne médite pas. Il a le dos tout courbé. Il regarde par terre. Il a un masque mal mis, ça couvre un peu tout son visage, je ne sais pas s’il va bien. Ses jambes bougent nerveusement même s’il fait du sur place. Il se tortille le dos. Il regarde toujours par terre. PAPY A MAL.

Ah tiens, y a une nana en fauteuil roulant dans la queue. Je l’observe, j’ai le temps, j’ai rien à faire, je ne médite pas. Une jolie gonz sur le fauteuil, elle me fait penser à « ma copine Pauline« .  Elle fait du téléphone avec un seul doigt, elle a les poignets tous tordus. Elle a de la chance avec sa petite chaise roulante qui la suit partout. Elle, au moins, elle n’a pas mal debout, comparé à Papy. Soudain, je la vois qui sort un grand tissu de son sac attaché au fauteuil derrière. Elle recouvre ses jambes avec le tissu, furtivement. Elle s’était FAIT PIPI DESSUS.

Ah tiens, y a un gars avec des béquilles dans la queue. Je l’observe, j’ai le temps, j’ai rien à faire, je ne médite pas. C’est un jeune homme beau et pas gros. Probablement un sportif de haut niveau qui s’est blessé à l’entraînement. Ça ne doit pas lui poser problème à lui, les béquilles, il a de la force. Dans quelques semaines, il sera guéri et il va galoper comme un lapin. Il s’est appuyé contre un petit muret pour continuer à faire la queue avec ses béquilles. Franchement il gère. Ça va bientôt faire une heure qu’on attend, qu’est-ce que c’est lonnnnnng. Et puis soudain, v’là que le jeune avec les béquilles s’en va. Il abandonne la queue. Il hésite quand même. Il n’a pas de volonté ni de détermination, c’est une chochotte. 1h pour lui debout et v’là qui fait son caprice. Il S’EN VA.

OK on a tous un masque, OK on ne se fait plus la bise, OK on fait la queue longtemps à 1 mètre de distance. C’est vrai que d’un coup d’un seul, la maladie nous a mis au garde à vous.
Et ce n’est pas rigolo.

Mais n’oublions pas qu’on n’est pas tous égaux face au virus.

Il n’y a pas seulement les facteurs de risques identifiés comme l’obésité le tabac ou l’hypertention qui fragilisent des gens face aux formes graves de la maladie causée par le virus.

Il y a tous ceux qui souffrent des mesures mises en place pour anticiper le virus, comme la queue. Et on peut les aider.

Dans le monde d’avant, le Papy, le fauteuil roulant, les béquilles, la femme enceinte, n’importe qui qui semblait souffrir sans le dire, on l’aidait. On l’aidait à s’asseoir, on le laissait passer, on lui gardait sa place dans une queue pour qu’il se repose à distance.

Dans le monde d’après, toutes ces petites attentions sont toujours possibles ; et même, elles n’ont jamais été aussi nécessaires.

D’avance, MERCI. Vraiment.

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Cérémonie du 8 mai 2020 au Ministère : masques, gants, mains, cerveaux et tigres !

Mes Chers Compatriotes,

En ce 8 mai 2020, date de commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, nous fêtons également aujourd’hui le début de la guerre contre le coronavirus.

Pour préparer cette journée exceptionnelle, mon Ministère du Confinement s’est entretenu longuement durant toute cette semaine, bras de chemise retroussés, prêt à « enfourcher le tigre », selon les termes du Chef de l’État et des Armées, avec les experts suivants :
-une Grande Biologiste
-un Grand Médecin
-un Grand Vétérinaire, puisque quand il s’agit d’enfourcher un tigre mes Chers Compatriotes, il est impératif de prendre AVANT, l’avis de son vétérinaire traitant.

C’est ainsi que, pour fêter ce 8 mai 2020, mon Ministère a décidé d’offrir à tous les français, je dis bien tous, une leçon pédagogique et gratuite sur les gestes barrières, afin que le déconfinement de lundi prochain ne soit pas, un déconfitement.

Concernant les masques :

-le masque propre se place sur le visage par les élastiques ou les attaches que l’on touche avec des mains propres
-il doit couvrir la bouche ET le nez
-il ne doit pas être porté en collier. Le port en collier est acceptable uniquement dans un contexte hors épidémie, par exemple quand en 1945 la vétérinaire limait les dents d’un lapin et qu’en même temps elle souhaitait draguer l’assistant avec un sourire sibyllin.
-on ne doit pas toucher son masque (parce que celui-ci est sale), y compris si on est le président de la République en visite dans une école. Si vraiment on touche son masque, par besoin ou par erreur (errare humanum est comme dirait Édouard), on se lave les mains après.

Et c’est tout ! Incroyable n’est-ce pas ?!

Concernant maintenant les gants :

-les gants ne sont pas l’équivalent du masque, parce qu’on ne respire pas par les mains
-il ne faut pas porter de gants (sauf si votre métier le nécessite) car :
on ne peut pas se laver les gants comme on se lave les mains.

Exemple : le boulanger vend du pain contre de l’argent. Il porte des gants. Rassurant ? Pas forcément ! Vous êtes le premier client, le boulanger enfile des gants, il vous tend la baguette, tout va bien, il n’y a pas sa transpiration sur votre pain. Mais il touche après votre argent, que vous avez touché avant, avec votre transpiration. Donc les gants du boulanger deviennent sales. Et il sert le client suivant avec des gants sales. Donc la baguette suivante est sale. Et caetera, comme dirait Édouard. Sauf si le boulanger change de gants à chaque fois qu’il touche de l’argent.

Concernant maintenant les mains :

-il faut considérer que TOUT ce qui est à l’extérieur de chez vous, ou qui rentre chez vous, TOUT EST SALE. Je passe le pas de ma porte, C’EST SALE.

Exemple : peut-être qu’un voisin a éternué sur la poignée extérieure de ma porte, deux minutes avant que je sorte. C’est peu probable c’est vrai, mais s’il a vraiment éternué, alors le risque d’attraper le virus est très élevé, et comme vous le savez, on peut aisément mourir du virus. Donc TOUT EST SALE.

Sauf…ce qu’on lave ! Comme les mains, qu’on lave avec du gel hydroalcoolique, ou de l’eau et du savon. Ou son corps, ses lunettes, ses cheveux, qu’on lave à la douche. Qui seront propres, tant qu’ils toucheront des choses propres, comme l’intérieur de votre domicile, si vous n’êtes pas porteur du virus.

-sur une très courte période où l’on sait que l’on ne sera PAS déconcentré par un coup de téléphone ou un enfant qui se blesse, il est possible de « garder des mains sales » ou « une seule mains sale ».

Exemple : je sors du taxi, je me rends chez le médecin. J’utilise mon gel hydroalcoolique. J’ouvre le flacon avec mes mains sales, j’en mets sur mes mains, je frotte bien partout, je nettoie au passage l’emballage extérieur du pot de gel. Mes deux mains sont propres. Je vais tout faire pour garder une main propre, une main sale. Je suis droitière, ma main droite sera la sale. Idéalement dans la main gauche donc, la main propre qui ne touchera rien, j’ai laissé une noix de gel. C’est la main sale qui appuie sur les sonnettes, qui ouvre les portes. On peut utiliser ses pieds parfois pour certaines choses (ses coudes non, si on tousse dans son coude). J’arrive à l’accueil du médecin, j’ai une main gauche propre qui renferme du gel, un corps sale, une main droite sale. La main propre avec le gel peut immédiatement laver la main sale. Et les mains propres peuvent farfouiller pour donner la carte vitale, et caetera. Avec toujours en tête le postulat que TOUT EST SALE, sauf ce qu’on lave.

Concernant maintenant le cerveau :

-vous l’aurez compris, pour faire tout ça, il faut rester bien concentré. Au début c’est difficile, après c’est plus facile. Mais attention, parce que quand on est fatigué, c’est plus dur de rester concentré. Vous comprenez maintenant pourquoi des professionnels de santé au contact direct avec des patients infectés pendant des heures fatigantes, mettent leur vie en danger ? Aidons-les !

Une vitre en plexiglas ? restons bien derrière !
1 mètre de distance ? Mettons en 2 ! 

Les consignes d’un professionnel ? Respectons-les !

Les consignes de mon Ministère ? Bénissons-les !

Mes Chers Compatriotes, en ce 8 mai 2020, vous vous préparez à enfourcher des tigres. Mais si vous tous, je dis bien tous, si vous portez des masques et si vous respectez les gestes barrières, alors les tigres et les virus ne vont tueront pas, et nous autres, dans les Grands Ministères, on pourra enfin se la couler douce, en vous regardant faire.

Merci à tous !

Vive Mon Ministère, vive les tigres, et vive la France !

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Comment bien porter un masque (et pourquoi ce n’est pas grave de ne pas savoir avant de lire ça)

Bon. Alors d’habitude j’essaie toujours de vous raconter une petite histoire de mon vécu à l’hôpital et de vous apprendre des trucs en même temps. Cette fois je vous fais rire avec la petite histoire et promettez-moi aussi qu’après vous saurez mettre un masque et vous apprendrez à tout le monde.

Le 30 janvier 2020 j’arrive à l’hôpital pour une hospitalisation à la journée pour démarrer un gros médicament très cher. Le 30 janvier c’est la veille de l’alerte rouge de l’OMS pour la pandémie, mais les hôpitaux, sans que personne dehors de s’en rende compte, sont déjà en alerte. Alors voilà, à peine ai-je passé l’entrée sécurisée de l’hôpital que je me fais de suite repérer comme une terroriste qui hurlerait à tous qu’elle porte une bombe : je tousse à la mort. Je tousse je tousse je tousse et tous me regardent en flippant, me laissent passer partout où ça devient un peu étroit, j’ai l’impression d’être Martin Hirsch en visite sur son territoire. Dans mon service, très vite on me tend un masque, et très vite tous se collent un masque. A l’époque, il n’y avait pas de covid dans cet hôpital en théorie, donc personne en masque systématique comme maintenant. On me fait tous les soins avec mon masque, je ressors de l’hôpital avec mon médicament et le premier masque de ma vie sur la tête, autrement dit, je suis très fière.

15 jours après rebelote, même hôpital, même toux qui impressionne que j’ai l’impression d’être Martin Hirsh qui se re-déplace. Consultation cette fois. Petite salle d’attente, grosse toux. Le médecin sait que je suis là avant même qu’on m’annonce (l’effet Martin Hirsh), puis viens me chercher masqué, et me tend un masque pour moi. Je gagne le 2ème masque de ma vie. Alors que des français commencent à faire des réserves en pharmacie. Je mets le masque et la consultation commence. Et là boum, le Docteur de m’interrompre sec :

« Madame Manon attendez, mettez-le correctement le masque s’il-vous-plaît, parce que si je tombe malade je ne peux plus travailler. »
Moi : « Ah oui pardon, mais c’est qu’on ne m’a jamais appris à mettre un masque moi. »
Le Docteur : « Ah bon ?! Eh bien on serre bien la petite barrette au dessus du nez pour l’ajuster, on descend bien le masque sous le menton, et ensuite on ne touche plus jamais au masque ou bien on se lave les mains. »

Mais que le Dieu de l’humanité bénisse ce Grand Docteur. Ce jour-là je suis sortie de l’hôpital en sachant mettre un masque, autrement dit, très fière.

Hier, dimanche 3 mai, une fois n’est pas coutume je regarde le JT de 20h, TF1. Probablement une heure et une chaîne de grande audience. Quel n’est pas mon plaisir de m’apercevoir que enfin, malgré les gros couacs de notre gouvernement, les français ont très bien compris l’utilité des masques. Quelle n’est pas ma déception en revanche de m’apercevoir que, n’ayant pas eu la chance d’avoir le même grand Docteur que moi, bon nombre de gens ne savent pas porter le masque, y compris des professionnels de santé.

J’avais déjà compris depuis bien longtemps que mon Docteur du 15 janvier était un Docteur génial. Je le sais encore plus maintenant. Donc, pour tous, je répète les enseignements de mon Docteur :

-le masque c’est au-dessus du nez parce que le nez aussi respire, si possible, ajusté

-le masque c’est en-dessous de la bouche, si possible, ajusté

-on ne touche pas son masque parce qu’il est sale autant sur la face externe que sur la face interne ; si besoin de le toucher on se lave les mains immédiatement

-le masque en collier ce n’est pas comme la casquette à l’envers. Vous ne serez jamais un beau gosse du masque ni un rebelle du masque avec le masque en collier. Pour rester beau gosse ou rebelle (si besoin), masque et grosse chaîne en or, masque et casquette à l’envers, ne sont pas incompatibles.

Faites passer le message ! Merciiiiiii !

 

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S’il-vous-plaît…dessine-moi la guerre.

Bon. Petite, avec les premiers cours d’histoire, j’ai commencé à avoir super peur de la guerre. A 8 ans, je demandais régulièrement à mes parents : « Mais vous êtes sûrs qu’il n’y aura pas la guerre ? » Je leur disais que moi j’avais trop peur de la guerre et que je ne supporterais pas de vivre avec. Mes parents me disaient : « Mais non rassure-toi, il n’y aura plus jamais la guerre. Ce sont des erreurs du passé. Maintenant les adultes ont compris. »

Ouf. C’était bon pour moi. J’ai donc grandi avec l’idée que je ne vivrais jamais la guerre. Même il y a quelques semaines de cela, je me disais que ouf je mourrais sans avoir connu la guerre, que j’étais chanceuse, parce que je sais bien qu’à certains endroits du globe il y a la guerre. Même sous le nez des enfants.

Ça, c’était hier.

Puis il y a eu « la guerre » d’Emmanuel Macron. Des gens étaient pas contents avec le mot « guerre ». C’est vrai qu’aujourd’hui c’est pas vraiment la même guerre que celle qui me faisait peur quand j’étais petite. A l’époque j’avais peur du mal que se faisaient les gens entre eux, de la peine causée par la mort, du gâchis. Bon en fait donc, aujourd’hui c’est un peu la guerre aussi.

Je suis allée voir la définition du mot « guerre » dans le Littré. C’est le sens 11, dit figuré, qui dit que la guerre c’est : « Toute espèce de débat, de démêlé, de lutte. » Bon alors oui aujourd’hui, c’est la guerre aussi.

Hier, vraiment hier, alors que j’essayais de me distraire avec mon smartphone d’adulte pour m’endormir, je suis tombée sur ces mots de l’Organisation Mondiale de la Santé : « Le 30 janvier, nous déclarons l’état d’urgence le plus élevé pour le COVID19. Le 30 janvier, il y avait seulement 82 cas en dehors de Chine. Pas de cas en Amérique Latine. Pas de cas en Afrique. Seulement 10 cas en Europe. »

Le 30 janvier 2020, c’était hier. 

Alors que le 24 octobre 1945 donnait naissance à l’Organisation des Nations Unies, la même année que l’armistice, pour un « plus jamais ça », alors qu’avril 1948 donnait naissance à l’Organisation Mondiale de la Santé, agence spécialisée de l’ONU pour la santé publique, le monde d’avril 2020 est en guerre.

Alors que le 30 janvier, « seulement 10 cas en Europe ».

Aujourd’hui, la France retient son souffle devant un Premier Ministre, pour l’écouter parler d’une guerre que des adultes comme lui ont laissé s’installer, malgré les mises en gardes répétées des instances de paix.

Aujourd’hui 211 000 décès dans le monde. Hier, « 10 cas en Europe ». Demain, combien ?

Et moi de repenser à l’enfant à qui on avait promis : « Il n’y aura plus jamais de guerre, les adultes ont compris ».

L’enfant de 8 ans est toujours là ; comme si c’était hier.

 

 

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Pourquoi en France on tergiverse autant sur les masques ?

Pourquoi ?

Pourquoi en France ?

Il y a eu les courbes du canard enchaîné.

Il y a eu une porte-parole de gouvernement qui ne savait pas mettre un masque. Et après tout pourquoi pas. Mais ça s’apprend. Et ce n’est pas trop compliqué.

Il y eu un Ministre de la Santé qui disait que le port du masque ne se justifiait pas. Mais on peut se tromper, on peut le dire, ce n’est pas grave de faire des erreurs. On rappelle le célèbre « je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien » de Socrate.

Il y eu le SRAS en 2002 en Asie. Maintenant à Taïwan, ne pas porter de masque en sachant le risque de contagion d’un virus mortel est tout simplement considéré comme un homicide. Tout simplement. Un homicide. Transporter en connaissance de cause un virus qui tue. Un homicide.

Il y a eu le maire de Sceaux raillé pour la couleur de son masque, et répudié par le Conseil d’État pour avoir voulu protéger sa population.

Il y a eu le maire de Joué-les-Tours, qui a publié en gros en rouge en page d’accueil du site internet de la mairie « La Ville de Joué-lès-Tours achète des masques en tissu pour tous les Jocondiens. »

Enfin, il y a eu 4 médecins et un site internet : https://stop-postillons.fr. Des EAP. Des Ecrans-Anti-Postillons, pour ne pas dire des « masques ». C’était un boulevard d’invitation au rattrapage pour le gouvernement français. Les « masques » pour les soignants, les « EAP » pour la population générale. La sémantique au service de la santé. Un site internet apolitique, solide scientifiquement. Un site protecteur. Des faits. Des patrons de masques. Académie de Médecine et autres sociétés savantes à l’appui.

Dans le monde entier on porte des masques, et en France, on continue de théoriser sur leur utilité.

Malheureusement, on n’est plus au siècle des Lumières, mais bien en train de s’inscrire dans un siècle très sombre.

Il semble urgent de ne plus se voiler la face, et de enfin masquer son visage.

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De la beauté de la communication du Directeur Général de l’OMS

Bon. Comme vous le savez peut-être, sinon sachez-le, c’est l’algorithme de Twitter qui gouverne toute la diplomatie mondiale dans la réponse humaine au coronavirus. En effet, le Raoult français, ou plutôt le Raoult indépendantiste des Bouches-du-Rhône, inconnu de Twitter avant mars 2020, est déjà à 365 200 abonnés, ce qui est probablement un record dans l’ascension du nombre d’abonnés (le cacou gagne des followers à la même vitesse que le virus contamine, allez savoir pourquoi). A titre de comparaison, le Ministère de la Santé français est seulement à 207 600 abonnés, pour un compte Twitter ouvert en janvier 2010.

Ce pouvoir de Twitter, talonné par celui de YouTube, c’est celui-même qui fait que le président brésilien Bolsonaro veut inonder les brésiliens de chloroquine, sans aucun fondement scientifique associé à l’intérêt de ce médicament dans le covid, avec les certitudes que l’on a sur ses effets secondaires dramatiques. Ça fait penser au fameux dicton repris par un autre cacou, Donald Trump : « We cannot let the cure be worse than the disease » (= on ne peut pas envisager un traitement qui serait pire que la maladie). Comme quoi, on se mord la queue dans tous les sens entre cacous sur Twitter.

Ce pouvoir excessif des algorithmes, il a été entre autres mis en lumière par Dominique Cardon dans « Le pouvoir des algorithmes », ou dans l’ouvrage d’Aurélie Jean « De l’autre côté de la machine ».

Mais donc, je voulais vous parler de Docteur Tedros, le directeur général de l’OMS, qui lui aussi a un compte Twitter of course, mais qui est tout sauf un cacou. Alors que dans un contexte de pandémie inédit, le cacou de Trump décidait de suspendre mercredi 15 avril le financement de l’OMS par les États-Unis, le Docteur Tedros s’est alors mis est tweeter des mots. Des mots solo, rien que des mots. Qui contrastent vraiment avec les chiffres, rien que des chiffres, qui sont égrainés dans toutes nos oreilles en ce moment.

Solidarity.
Humanity.
Unity.
Love.
Stronger Together !
Values.
Confidence.
Humility.
Courage.
Perseverance.
Love & Solidarity.
Join the One world: Together at Home!
This too shall pass. Let’s fight in unison.
One world: together at home. Thank you to all our frontline health workers.
What a Wonderful World. Together!
Yes to solidarity.
Yes to unity.

Traduit, ça donne en français :

Solidarité.
Humanité.
Unité.
Amour.
Plus forts ensemble !
Valeurs.
Confiance.
Humilité.
Courage.
Persévérance.
Amour et Solidarité.
Rejoignez le monde uni : ensemble à la maison !
Tout ça devrait passer. Luttons à l’unisson.
Un monde uni : ensemble à la maison. Merci à tous nos professionnels de santé en première ligne.
Quel monde Merveilleux. Ensemble !
Oui à la solidarité.
Oui à l’humanité.

To be continued…

On attend la suite avec impatience !

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