Archives mensuelles : juillet 2017

Les toilettes

Bon. Ça fait longtemps que j’ai envie d’écrire un truc sur les toilettes. Désolée pour ceux que ça gêne. En fait je vous comprends, avant j’étais pareille. Dans sa préface à Mademoiselle de Maupin, Théophile Gautier avait écrit : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines. » Voilà. C’est exactement ce que je pensais sur les toilettes, avant. On pouvait pas mieux le dire que Théophile Gautier évidemment.
Sauf qu’en 2009, bim, maladie du tube digestif. Là j’ai compris à quoi servaient des toilettes. Combien on avait besoin d’elles, combien on pouvait les aimer, combien elles étaient utiles, combien même elle pouvaient être belles. D’ailleurs, remarquez l’homonymie avec le mot plus souvent utilisé au singulier. Du Larousse : « être à sa toilette »= action de s’apprêter en s’habillant, en se coiffant, en se maquillant. On est bien dans le concept du beau.
Grâce à la maladie, j’ai commencé à me poser un tas de questions sur les toilettes. Avec les voyages pour mon travail, j’ai remarqué que dans chaque pays voire dans chaque région, une boîte avait le monopole du design de chasse d’eau que vous allez retrouver partout, hôtels, particuliers, centres commerciaux, établissements publics. Vous avez remarqué ça ? Par exemple, à New York, c’est toujours des toilettes où les portes ne sont pas complètement étanches, on voit vos pieds, on entend vos bruits par le haut aussi, et si on est un peu curieux on peut regarder à travers les jours qui font le pourtour de la porte. Une américaine que j’avais questionnée là-dessus m’avait dit : « On a tous la même et on fait tous la même chose avec alors pourquoi se cacher ?! » Soit, vu comme ça…
Du coup mon frère m’a offert ce super livre : Toilettes du monde, de Sian James et Morna E. Gregory. Et j’ai commencé à collectionner mes photos de belles toilettes. Je vous mets quelques exemples dans la galerie photos. Si vous en avez et que vous vous voulez me les envoyer, allez-y régalez vous et faites-moi plaisir ! A travers le formulaire de contact pour l’instant…je vous rajouterai au post !
Bon. Comme aux toilettes on fait pas que caca mais aussi pipi, le grand maître de ce monde (probablement la statistique) a décidé en 2012 que j’aurai aussi une maladie du pipi, histoire de visiter encore plus de toilettes. D’un côté c’est super parce que par exemple vous êtes à Paris dans le métro sur un long trajet, là bim envie pressante, vous sortez du métro, vous rentrez dans le premier café (je pense précisément au café des Arts et Métiers, sympa et très bien situé donc !) et là au diable le désespoir, la vieillesse ennemie, vous vous trouvez face aux plus sublimes et fraîches des toilettes que vous ayez jamais rencontrées ! Alors encore une fois merci les maladies pipi-caca. Maintenant quand je pense à Théophile, je me dis que le pauvre il est passé à côté de grandes choses de la vie.

PS : Des associations qui font du super boulot sur les maladies du pipi-caca (y en a sûrement d’autres…) : Association François Aupetit, Association Française de la Cystite Interstitielle, Association Agir Ensemble Contre la Cystite Interstitielle (fraîchement créée, pleine d’idées)

 

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La lettre de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

Bon. Là voilà. Elle s’impose là comme un trophée, celui de on ne sait pas qui d’ailleurs, seule, provocatrice, dans la boîte aux lettres. La différence de la lettre avec le rendez-vous médical c’est que vous ne savez pas quand elle arrive. Vous n’êtes pas préparé. D’un côté ça peut être mieux. En gros c’est soit un résultat d’analyse soit un compte rendu de consultation. Ce qui est marrant avec la lettre, c’est qu’elle porte autant d’émotions fermée que ouverte. D’ailleurs j’ai des lettres qui sont toujours restées fermées, rangées dans un classeur ; si je sais que c’est un CR (Compte Rendu) et que je sais globalement ce qui s’est passé, je ne lis pas. Avant j’ouvrais tout, ça se terminait souvent en petites larmes toutes-mignonnes-qui-durent-pas-longtemps-mais-quand-même-on-préfère-rigoler.

Du coup aujourd’hui c’est une lettre de l’Hôpital Cochin, le service d’endocrinologie. Celle-là ça fait longtemps que je l’attends alors je l’ouvre. L’enjeu c’est la SDHEA (allez un peu de science dans chaque post ça peut pas faire de mal, c’est la déhydroépiandrostérone sulfate, souvenez-vous, j’ai une formation de chimiste, j’adore ces petites noms farfelus ! ). J’avais fait un dosage en ville et j’étais au max du max, record explosé de SDHEA. C’était pas trop normal parce que je suis une fille, et que c’est une hormone mâle, donc par on ne sait quel process j’étais potentiellement en train de me transformer en homme (lisez cette phrase à voix haute avec une fausse voix d’homme à la fin, c’est comme ça que j’aurais voulu vous le dire). J’ai refait un dosage de SDHEA la dernière fois que je suis allée en consult d’endocrino à l’Hôpital. Et voilà, le résultat est là, la SDHEA est pas du tout au max du max du max, elle au min du min du min (c’est normal c’est la maladie), ouf je suis bien toujours malade et pas en train de me transformer en homme !

Merci la lettre de l’AP !

PS : Un article super style sur les faux positifs d’une médecin bloggueuse : http://www.jaddo.fr/2016/06/19/et-mes-fesses-elles-sont-roses-mes-fesses/

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Des os en crystal

Bon. Aujourd’hui je fais ma troisième ostéodensitométrie.

C’est un examen qui mesure la Densité Minérale Osseuse (DMO donc pour les initiés). Avec l’âge la DMO diminue, notamment chez les femmes ménopausées, qui ne produisent plus d’œstrogènes (allez aujourd’hui, c’est un peu technique). Il y a aussi des femmes enceintes chez qui la DMO diminue, ça s’appelle l’ostéoporose de grossesse. C’est pas pratique parce que souvent ces femmes cassent spontanément des vertèbres avec leur grand ventre, ou bien elles cassent des vertèbres en accouchant. Bref l’ostéoporose c’est pas cool. Ça peut être aussi associé à des maladies auto-immunes comme la maladie cœliaque.

Moi j’ai cassé une vertèbre juste en faisant du trot à cheval. Pour ceux qui ne connaissent pas le cheval, le trot c’est une allure intermédiaire entre le pas et le galop. Comme disent les médecins, on sent quand un os casse, on sent un truc pas habituel qui vient d’un coup. Là ma vertèbre ça avait fait comme une sensation de trou dans le dos, c’était un peu rigolo. Sur le moment j’ai pas du tout pensé que je venais de casser une vertèbre, ça me paraissait trop impossible, même si on avait déjà vu que j’avais une DMO faible, et que j’avais déjà cassé plusieurs côtes hyper facilement (genre un pote « Hey salut, ça va ?! ». Petite tape amicale sur le torse. Bim. Côte cassée. Outch. 6 semaines de punition. Le traitement : on ne bouge pas on ne parle pas on ne respire pas et le pire ! On ne rit pas !! Pour moi qui aime l’humour c’est la pire des punitions. Ceux qui ont déjà cassé des côtes comprennent ; les autres, je le souhaite à personne). Alors ce jour où j’ai cassé la vertèbre, j’ai continué sur le cheval. C’était génial comme cours. Du dressage niveau Galop 7. Là vous vous dites : « Mais elle avait pas genre trop mal ?! ». Ben non parce qu’à l’époque je prenais de la codéine à haute dose, pour un autre problème, donc je sentais pas trop mon corps. C’était bien ça. Cette notion de « ne pas sentir son corps ». Pensez à chaque fois que vous avez eu mal, puis quand vous avez plus eu mal. Vous avez cessé de « sentir votre corps », il vous fout la paix comme dirait Fabrice Midal. C’est trop bon.

Bref, depuis cette fracture spontanée de vertèbre, les médecins me font vivre comme une nonne. En théorie je ne devrais plus faire de cheval à cause du risque de chute mais j’aime trop ça. Par contre je ne m’assois plus au trot ou au galop, je suis toujours en équilibre sur les étriers. Du coup j’ai des quadriceps et des adducteurs en béton ! Je ne porte rien de trop lourd. Imaginez la frustration quand les petits gosses trop mignons de vos amis vous supplient de les prendre dans vos bras. Ou que vous partez en vacances et que vous rêvez de faire une baignade à cheval à cru (= sans selle, nos fesses directement sur le dos de la bête) mais que vous avez peur que toute votre colonne y passe. Parce que souvent les vertèbres ce sont des fractures « en chaîne », c’est joli comme expression hein ? Je m’imagine jouer aux dominos quand je prends des enfants dans mes bras du coup. Cassera, cassera pas ? Comment je lui explique à la petite Louise que ce serait quand même bien qu’elle se hisse toute seule sur les toilettes à 3 ans parce que tatie Manon elle pourrait y laisser gros. Elle s’en tape elle. Elle vit sans stress. J’adore les enfants pour ça. Du coup je rêve d’en avoir. Mais j’attends que peut-être les médicaments pour les os fassent remonter ma DMO…et je fais des ostéodensitométries tous les ans pour savoir où j’en suis de pouvoir réaliser mes rêves…

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La récompense

Bon. Chaque fois que je vais chez le médecin et que c’est un peu pénible, je m’offre une petite gourmandise juste après. Là c’est un moelleux au chocolat bien fat. Je me dis que les boulangeries près des hôpitaux doivent faire vachement plus de bénéf que les autres. #LeKifDeLaMaladie

La meilleure récompense que j’ai eue : le moelleux au chocolat du fournil d’Ornano, 80 boulevard Ornano, Paris 18ème. Photo non contractuelle, ils les font ronds, et les parts sont énormes !

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Le droit d’être fou

Bon. Aujourd’hui je suis allée chez la psychiatre du centre antidouleur. On se connaît depuis 5 ans maintenant. Pour moi, elle est l’incarnation de Dieu, en médecin, en femme. Dans mon éducation catholique on m’a appris qu’on pouvait ressentir des appels, avoir des apparitions. Si on me demandait si un jour j’ai eu ça, ce serait oui et ce serait elle. Elle ne juge rien, elle pardonne tout, elle est dévouée, elle est presque tout le temps de garde aux urgences – elle doit voir des « trucs de fou » – pourtant elle est toujours calme et souriante. Quand elle demande « Alors comment ça va ? » c’est avec une voix douce, un regard présent mais délicat, une certaine gêne même, la pudeur de cette question à la fois si automatique et si chargée en émotions intimes.

Je la soupçonne d’être mariée à la médecine. De vivre dans un petit appartement tout près de l’hôpital pour être disponible le plus vite possible dès qu’une urgence se présente. Dans le film Hippocrate réalisé par Thomas Lilti, l’acteur Reda Kateb dit à un moment « être médecin c’est une malédiction ». Voilà, c’est ma psychiatre. Mais en version bénédiction.

Alors aujourd’hui on parlait de mon épisode qu’elle qualifie de « subexcitation psychique » que j’ai eu il y a quelques mois, suite à une hospitalisation longue. Elle me dit qu’elle ne comprend pas pourquoi mon cerveau a réagi comme ça. Moi je lui propose : « Mais en fait peut-être qu’on a tous le droit d’être un peu fou quelques temps ? ». Elle me répond en rigolant : « C’est étonnant votre notion des droits du cerveau ! « . Du coup, je pense que ça voulait dire oui. Oui, parfois quand on n’en peut plus de quelque chose on devient un peu fou et puis ça passe. Moi je pense même qu’au fond on est tous un peu fous en fond d’écran. Même la psychiatre qui est l’incarnation de Dieu.

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Un médecin malade ?

 

Bon. Pour le premier article de ce blog, j’ai de la matière.

J’ai eu aujourd’hui une de mes plus belles consultations avec un médecin. Belle au sens de la vraie « beauté », gratuite généreuse universelle unanime évidente. On a commencé de manière classique « Alors comment ça va ? » on a discuté des traitements, prévu quelques modifications. Et là elle -la médecin- me demande : « Vous faites quoi dans la vie Manon ? » Moi : « Je suis chercheur, au CNRS, en chimie, mais encore en CDD, parce qu’au début on fonctionne beaucoup en CDD, et là actuellement je suis au chômage, entre deux contrats ». Elle : « Vous aimez ce que vous faites ? ». Moi : silence interloqué. Avant j’aimais, maintenant je ne sais plus, la pression de chercher pour trouver, la précarité des CDD, la lenteur des applications à nos recherches, les querelles d’égos entre chercheurs…je ne sais plus si j’aime. Voilà ce qu’il y a eu derrière mon silence. Elle : « De toute évidence vous devriez être médecin. » Et bim.

Elle a tapé dans le mille. En plein dans ce désir qui me tiraille depuis quelques années maintenant, depuis que je suis malade, depuis que je vois comme ça peut être beau d’être médecin, depuis que je vois comme un corps humain c’est un bordel immense à gérer, surtout quand ça déconne, mais à quels beaux défis le médecin est confronté, et quelle gloire quand quelque chose marche et que la vie du patient est améliorée ou qu’il est guéri ! Voilà, je suis une patiente, avec une maladie chronique qui ne guérira jamais, et j’ai envie de vous écrire avec cette matière. Avant je disais que je n’aimais pas les médecins ni la maladie. Maintenant la maladie par sa perfidie me fascine, le médecin par son courage me rend envieuse. Et je veux vous raconter !

PS : Sur la photo, un copain que j’ai connu en hypokhâgne (donc oui oui en lettres) et qui a fait la passerelle après être entré à l’ENS Ulm pour devenir médecin. Il est maintenant interne en psychiatrie. Il sera un beau médecin ! Je lui ai coupé la tête pour faire plus poétique.

PPS : Pour des lectures sur le médecin malade, un rapport de l’Ordre de Médecins (2008) et la thèse de Sandra Bonneaudeau : Le médecin/malade : un patient comme les autres ? (2011)

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