Archives mensuelles : janvier 2018

Le petit robot

Bon. N’ayez pas peur les lecteurs. En ce moment je suis triste, alors je pleure beaucoup. C’est pas terrible de pleurer beaucoup, ni pour soi-même, ni pour les autres. Soit les autres sont tristes aussi, alors que vous ne voulez pas qu’ils soient tristes, soient ils ne sont pas tristes, et s’en foutent que vous soyez triste, et vous êtes outrés qu’ils ne ressentent rien alors que vous pleurez.

Bref, pleurer, ça a l’air simple, mais c’est donc très compliqué. En plus physiquement, il y a beaucoup de muscles qui se contractent. Vous savez qu’on peut avoir des courbatures de pleurer ? Si, si ! Le côté positif c’est que ça brûle des calories, ça arrange plein de gens qui veulent maigrir pour le plaisir, ou maigrir parce que des médicaments font grossir. Ça fait rougir le nez, qui devient tout sec à force de se moucher, alors ça fait mettre de la crème hydratante. Vous avez remarqué comme c’est agréable de soigner un nez qui a trop pleuré ? On dirait qu’on soigne la cause du pleur, un peu. Ça doit rendre bien heureuses en tout cas les industries des crèmes et des mouchoirs.

Au bilan, il convient surement de pleurer avec modération. Alors j’ai ma petite pilule magique pour ça. C’est de la famille des neuroleptiques. « Ça c’est pour vos hallucinations » m’avait dit une fois la pharmacienne, bien distinctement comme si je pouvais mal comprendre. Je n’avais rien répondu.

Ce petit neuroleptique – il est petit parce que tout ce qui est mignon est petit – chez moi est magique. Je pleure, si ça dure trop longtemps je gobe le petit mignon, et soixante minutes après, je ne pleure plus. C’est mon filet. Je me jette dans le vide, il m’empêche de tomber. C’est mon filet mignon. C’est bon, et je n’ai plus d’émotions. Je me transforme en petit robot. C’est apaisant de ne plus pleurer. Mais c’est bizarre de perdre sa personnalité.

Si ça se trouve le petit robot ne pourra plus faire du blog ? Ou il écrira uniquement des trucs de robot ennuyeux ou façon science-fiction ?

Ou bien on devrait écouter la pharmacienne ?
Est-ce que tout ce qui me rend triste là, ce ne serait pas qu’une hallucination ?

Si seulement…

ATTENTION : les neuroleptiques c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique. Aller chez le médecin si ça va pas. C’est le métier du médecin.

Share

Le fantasme réalisé

Bon. J’ai réalisé un fantasme aujourd’hui. On a tous une liste de fantasmes, pas forcément sexuels. Ce sont des sortes de petits rêves, plus ou moins accessibles.

Dans le tout premier article de ce blog, je vous disais qu’à force d’être malade, d’en apprendre sur la maladie, d’expérimenter les hôpitaux, il m’avait pris l’envie d’être médecin. En particulier j’aurais voulu être radiologue. Pour plein de raisons. Parce que bien souvent le diagnostic c’est eux. Parce qu’ils ont des yeux que personne n’a. Parce qu’ils sont capables de voir des choses que personne n’arrive à voir. Et aussi parce qu’accessoirement je suis déjà un peu radiologue, de par ma formation de physico-chimiste. Les physico-chimistes observent la matière avec tout un tas de méthodes dont le principe est le même que pour l’échographie, la radiographie, le scanner, l’IRM.

On m’a déjà dit : « Ah ouais mais si tu veux être radiologue, c’est que tu ne veux pas vraiment être médecin ». Sous-entendu : « Le vrai médecin est un médecin clinicien » = celui qui voit vraiment les patients. Y a une idée comme quoi le radiologue est un type associable enfermé dans une caverne sombre (souvent les salles d’imagerie sont aux sous-sols à cause du poids des machines) avec des vitres blanches pâles, aussi pâles que les corps des radiologues qui donc ne sortent jamais de la caverne. Un vieux sage savant décrépi qui ne veut plus voir des malades mais des maladies, parce que d’un côté le malade le dégoûte, d’un autre la maladie l’excite.

Je trouve que cette image qu’on prête au radiologue n’est pas vraie. Enfin pas vraie pour tous. Un bon radiologue parle. Il demande avant ce qui ne va pas, il explique après ce qu’il a vu, ce qu’il n’a pas vu, les conséquences que ça a, la conduite à tenir. Et même il sourit. Il est optimiste. Un bon radiologue est radieux.

Voilà. Aujourd’hui je venais pour une IRM avec une radiologue vraiment radieuse. Et dans le petit boxe où on se déshabille avant, quelle n’a pas été ma surprise quand, à la place de la blouse habituelle en tissu-papier bleu foncé, j’ai trouvé une belle blouse blanche en tissu épais, toute propre et bien pliée, pour moi. Blouse blanche avec écrit sur la poitrine « Imagerie médicale ». C’était la même blouse blanche que celle du médecin radiologue. J’étais le médecin. J’ai porté la blouse fièrement, depuis mon boxe mal éclairé jusque dans la grotte de l’IRM. J’ai été calme en me regardant faire l’examen. J’ai fermé les yeux et j’ai vu toutes les images que le radiologue voyait. J’ai imaginé le diagnostic. J’ai fait des pronostics.

Je me suis comportée en vraie bonne radiologue. J’aurais voulu ne jamais enlever cette blouse. J’ai fait un sourire radieux en partant.

Share

Le poids des mots

Bon. Je suis allée à la prise de sang ce matin. J’étais à l’affût d’un truc intéressant qui pourrait se passer pour le raconter sur le blog. Puisque j’ai dit juste avant que j’arrivais plus à écrire.

J’ai cru que le truc intéressant pour le blog ce serait Nathalie. Nathalie c’est celle qui pique. Vous avez déjà remarqué la routine de Nathalie ?

« Bonjour. Asseyez-vous. Nom prénom date de naissance s’il-vous-plaît. Pourquoi vous prescrit-on ce prélèvement ? Serrez le poing. Je pique. Vous pouvez desserrer le poing. J’ai bientôt fini. Plus qu’un tube. Voilà c’est bon. Appuyez s’il-vous-plaît. Je vous mets un pansement. »

Souvent après y a juste : « Bonne journée ». Bon sang la routine terrible de ces piqueurs. C’est tellement routinier que moi je serre le poing avant qu’on ne me le dise, je desserre le poing avant qu’on ne me le dise aussi. Mais on me le dit quand même ! Jamais on ne me dit : « Ah mais vous saviez déjà qu’il fallait desserrer le poing ?! » Qu’est-ce que je serais fière !

Néanmoins j’aime bien ce mode automatique qui permet de penser le moins possible à la maladie.

Sauf que aujourd’hui, Nathalie a dit : « Oh là là, je n’ai que des gros dossiers aujourd’hui ! » J’ai ri. Je lui ai dit qu’elle ne pouvait pas me faire ça, me traiter de gros dossier. On était loin du mode automatique-pas-malade. Elle s’est justifiée alors, elle a dit qu’elle voulait dire par là que c’était lourd administrativement pour elle, en terme de papiers utilisés etc. Et j’étais bien d’accord avec elle. Je la charriais. Elle m’avait plue à avoir le culot de casser la routine du piqueur. Elle a continué à s’embourber dans une conversation drôle :

« Vous êtes végétarienne vous ?
– Non pas du tout pourquoi ?
– Ah désolée je dois vous confondre.
– Oui sûrement, mais pourquoi cette question ?
– Parce que j’ai envie de vous dire de manger un gros steak bien saignant après cette grosse prise de sang. Mais parfois je dis ça aux gens et ils me répondent qu’ils sont végétariens.
– En même temps manger un steak là maintenant à 9h du matin ?
– Non non ce midi »
Elle était vraiment drôle cette Nathalie. Je n’aime pas trop quand ça saigne trop en vrai, mais je n’ai rien dit, pour ne pas la décevoir.

Donc j’ai cru que c’est Nathalie qui marquerait cette journée, et qui serait l’objet du billet. Mais en fait après quelques heures, j’ai compris que c’était Françoise qui m’avait marquée. Françoise c’est celle qui vous enregistre vos ordonnances à l’accueil avant de voir Nathalie. Elle pose quelques questions administratives, puis plus personnelles en rapport avec les examens demandés. Et puis tout d’un coup pour une question, elle s’est rapproché fort de ma tête, pour me chuchoter brutalement : « Quel est votre poids ? »

J’ai été terriblement gênée par ce chuchotement. Qui n’en n’était pas un tellement il était audible. Pourquoi j’aurais préféré qu’il n’existe pas ? C’est pas une honte le poids si ? Ça se voit de toute façon non ? A la louche on peut facile dire combien quelqu’un pèse.

A force d’être malade aussi, de se prendre tout un tas de mains, doigts, aiguilles, tubes, ustensiles, sur le corps, dans le corps, on devient beaucoup moins pudique. On met le mode automatique. Protecteur aussi. Alors j’ai pas aimé que Françoise casse l’automatisme. Je me suis sentie coupable.

Coupable d’être grosse éventuellement.
Puis coupable d’être un gros dossier, par recoupement.

Je me suis empiffrée de gâteaux toute la journée maladivement.
J’ai pas mangé de steak bien saignant.

Share

J’arrive plus à écrire

Bon. Le dernier billet c’était le 9 janvier, et le dernier vraiment drôle c’était le 3 janvier. On est le 21 janvier, j’arrive plus à écrire. J’arrive plus à mettre mon petit grain de sel drôle dans les choses que j’ai envie de dire. Je n’ai plus le temps de lire.

Je me doutais bien que ça viendrait à un moment. Au début du blog, je me demandais quel médicament était donc bien responsable d’une telle logorrhée bien documentée, et drôle. Je voulais que ça reste drôle, au fond. C’est la psychologue, celle des Bonnnn de ce blog, qui m’avait dit que oui, j’étais drôle. Alors je veux rester drôle.

Maintenant je n’ai plus de diarrhée verbale. Je me demande quel médicament est donc bien responsable de cette annihilation subite. Je ne peux pas demander au Docteur de me re-prescrire le traitement qui me faisait bloguer. Ils ne savent pas que je blogue. Je suis allée en librairie pour stimuler mes papilles. J’ai bien aimé « Avoir une belle plume » de Pierre-Valentin Berthier et Jean-Pierre Colignon. J’ai bien aimé « Je parle parisien » de Jean-Laurent Cassely et de Camille Saféris. J’ai pensé à faire un truc du genre « Je parle le médecin ».

Ma quatrième de couverture aurait pu être : « J’ai fait plein d’hospit à l’AP. Pour mon TV j’ai été en ortho. Ils ont noté ODM à contrôler sur le CR. Pour un clostri j’ai été en gastro en iso contact où le FFI m’avait fait un TR direct. L’anest’ du CAD passait régulièrement .Je chopais tous les DECT pour faciliter la com. Ils font toujours des RCP sur moi.  » Je ne traduis pas exprès. Ça fait plus mystérieux. Et puis c’est pour mon futur livre.

Donc on disait que je n’ai plus de diarrhée verbale. Par contre je suis bien occupée avec d’autres diarrhées de symptômes de maladie. C’est peut-être ça le problème. Il y a un temps pour la maladie, il y a un temps pour l’écriture. Un célèbre proverbe portugais dit : « Primeiro a obrigação , depois a devoção » = « D’abord les obligations, ensuite les dévotions ». C’est tout à fait ça. La maladie mon obligation, le blog ma dévotion.

Je vous promet que je continue à aller chez le Docteur, à aller à l’hôpital, à aller chez le kiné, à aller chez le radiologue, à aller au labo d’analyses médicales, à aller à la pharmacie, à prendre des notes sur des thèmes sur lesquels je veux vous écrire.

Et quand je serai un esprit libre comme Nietzsche, alors j’écrirai à nouveau.

Share

De belles veines

Bon. Je n’ai pas trop de veine. Objectivement, si vous avez un peu parcouru le blog.

Par contre, j’ai de belles veines. Où que j’aille, au labo d’analyses, aux urgences, en hospitalisation classique, on me dit toujours en brandissant la grosse aiguille : « Oh oh, comme vous avez de belles veines ».

Je suis toujours gênée par cette situation. Je réponds toujours : « Oui, on me l’a déjà dit ». Je ne sais pas s’il faudrait répondre par merci plutôt. Pour ne pas paraître ingrate face au compliment.

En lisant çà et là des expériences de patients, j’ai su que c’était l’horreur de ne pas avoir de belles veines. Ça expose à des piqures désagréables farfouillant trifouillant à la recherche de la veine, qui donc elle, n’est pas belle. Pas de veine.

Je ne sais pas pourquoi j’ai écrit ce billet inutile sur les belles veines. Peut-être parce que je voulais écrire un truc mais je ne savais pas trop quoi dire. Je suis vénale, je veux du nombre sur le blog. Et je suis veinarde, bien sûr.

Et vous, avez-vous de belles veines ?

Share

On peut vous prendre en photo ?

Bon. J’étais en HDJ = hôpital de jour. Quand des soins durent un peu longtemps, mais que y a pas besoin de dormir la nuit néanmoins, « on a HDJ ». C’est un peu comme « avoir piscine ».

J’étais en HDJ ce matin-là. Ça défilait pas mal, c’était efficace. « Tension-température », bilan (=bilan sanguin) pour avoir les résultats en 2h. Passage de l’externe : « Bonjour je suis l’externe » ; clairement mes préférés ces petits mouflets tous chouchous en phase d’apprentissage. Passage de l’interne, plus sérieux : « Je vais vous examiner. » Examen complet. Notamment dermato. Test caractéristique de ma maladie sur la peau. Très facile à réaliser. L’interne est épaté : « Très impressionnant. Vous n’aviez jamais remarqué ça ? » En fait non, je ne m’amuse pas à faire des tests dermato sur ma peau seule chez moi pendant que j’écris du blabla sur le blog. En fait si, j’avais un peu remarqué mais je croyais que c’était normal. Petit sourire de l’interne. Examen terminé. Je reprends mes occupations de malade.

Passage de la chef de clinique. On rigole beaucoup moins avec la chef de clinique. La chef de clinique c’est une espèce de surhumain surpuissant – dopé à la cortisone c’est pas possible autrement – qui sait tout sur tout. On sait que c’est la chef de clinique parce que c’est écrit sur sa blouse au niveau de la poitrine. C’est un peu gênant de regarder cette zone du corps, donc je vous conseille d’avoir l’œil furtif, et un bon ophtalmo. Donc la chef de clinique déboule avec toute sa clique d’internes, d’externes, dans ma chambre. On dirait une Grande Visite. Sauf que y a pas de Grandes Visites en HDJ. Alors je trouve ça bizarre.

La chef de clinique me dit : « On peut voir ce que vous avez fait avec l’interne ? »
Je me déshabille et je montre. Je ne suis pas pudique. J’assume ce que j’ai fait avec l’interne.
Elle dit elle aussi : « Très impressionnant. »

Puis, embarrassée : « Je peux vous prendre en photo ? »
Se justifiant : « C’est pour montrer aux étudiants. »
Me rassurant : « On ne verra pas votre visage. »

Bon sang. Moi qui impressionnais la chef de clinique et toute sa clique. Moi qui me faisais shooter à l’hôpital par un iPhone et pas par de la morphine. Moi à qui à l’hôpital on me demandait mon autorisation pour me faire quelque chose. On ne verrait pas mon visage ?!

J’ai pas osé demander à ce qu’on voie mon visage. Je me suis dit que j’aurais qu’à écrire sur un blog. Comme ça un jour peut-être d’autres gens voudront me prendre en photo. Et qu’ils voudront aussi ma tête.

Share

La bonne résolution

Bon. J’ai fait ma rabat-joie à propos des réveillons, pardon. Je n’aime pas les réveillons c’est vrai. C’est fatiguant. Et je n’aime pas trop manger. Ce n’est pas compatible avec la maladie. Mais j’aime quand même les bonnes résolutions.

Chaque début janvier, j’aime faire un petit bilan de l’année passée, constater sur quels points elle a été pourrie, sur quels point j’ai assuré. Je vous invite à faire pareil. Surtout lister les points sur lesquels vous avez assuré. C’est bon pour la santé. La fameuse santé qu’on vous souhaite pendant tout le mois de janvier. Soyez maître au moins de deux choses : la taille de vos chevilles bien stables qui vous permettront un pied sûr, le port de votre tête bien grosse qui vous permettra une pensée sûre, deux éléments-clés qui vous permettront de déambuler sûrement en toute circonstance dans les couloirs d’un hôpital. Ou ailleurs.

Chaque début janvier, je me dis que l’année passée a encore été pourrie niveau santé.
Chaque début janvier, je maudis le sort.

Mais chaque début janvier, je me dis aussi que peut-être cette fois la courbe va s’inverser. La roue va tourner dans l’autre sens. Ça se passe comme dans les cycles de Kondratieff dans la théorie de l’économie. Il y a toujours des crises et il y a toujours des reprises.

Peut-être que la nouvelle année sera belle. A vous je vous le souhaite de tout cœur.

Chaque début janvier, j’applique le poème Et un sourire de Paul Eluard, et l’invariable bonne résolution, c’est d’y croire.

Share