Archives mensuelles : juin 2018

Bien choisir sa spécialité médicale

Bon. C’est la période des ECN, les Épreuves Classantes Nationales, le concours que passent les « externes » en médecine, étudiants en 6ème année. Les externes, ce sont ceux qui, en hospitalisation, ont le temps de dire « Bonjour » en souriant au patient. Non j’exagère.

Il y a plusieurs blogs d’externes de super qualité qui vous feront comprendre qu’un externe ne sait pas que dire « Bonjour » et faire des sourires, loin de là. Donc pendant les fameuses ECN, les externes passent une série d’épreuves à échelle nationale, à l’issue desquelles, ils choisissent, en fonction de leur classement, leur spécialité. Oui, on ne choisit pas en fonction de sa vocation ni de ses performances dans la spécialité convoitée, mais en fonction de sa performance sur un marathon de questions exhaustives. Les non-marathoniens n’auront qu’à choisir médecine du travail. Non j’exagère.

Je vous propose ici une petite série de clichés véhiculés sur les spécialités médicales, accumulés lors de mon humble expérience de patiente. Bonne lecture !

Le cardiologue :

On commence toujours par le cardiologue.
Il a toujours été le premier de la classe.
Il ne s’intéresse qu’aux choses essentielles de la vie, qui sont belles et ne sentent pas mauvais.
Il est respecté de tous les Chers Confrères parce que le cœur est l’organe décisif.
Il a souvent un cœur.

Le pneumologue :

Il a toujours voulu être cardiologue mais il n’était pas le premier de la classe.
Il fait des étourderies parfois, alors ça l’arrange bien s’il y a deux poumons plutôt qu’un.

L’endocrinologue :

Le diabète, c’est à la mode.
Les hormones c’est super compliqué, tellement compliqué que même les patients experts ne contredisent pas le médecin, en endocrinologie.

Le psychiatre :

C’est un « littéraire », parce que tout le monde sait bien que le monde se divise en les scientifiques d’un côté, et les littéraires de l’autre.
Il a été capable de faire toutes les années d’études jusqu’à l’ECN sans se faire prescrire un seul Xanax ou Stilnox. Il garde son calme en toute circonstance, et est un professionnel de la mindfulness.
Il n’est pas bien classé à l’ECN de toute façon.

Le généraliste :

Il aime les gens.
Il se sent capable d’être toute sa vie un médecin « non spécialiste » = un inférieur.
Il aime les gens.
Il n’est pas forcément le premier de la classe.
Il aime les gens.
Il n’a pas peur des défis de la vie, aussi variés soient-ils.
Il aime les gens.
Il sait environ tout et environ rien, presque comme son Cher Confrère de la Médecine Interne sauf que le généraliste devra toujours baiser les pieds de l’interniste pour soigner ses grosses chevilles gonflées (le fameux « bisou magique »).

Le pédiatre :

Comme le généraliste, mais il est dur d’oreille, dans tous les sens du terme. Il faut bien savoir se protéger (les pleurs, notamment).

L’anatomopathologiste :

L’anapath’ a aimé les gens pendant ses stages. Et puis c’est devenu fatiguant.
Il est pour les 35 heures, largement.
Il n’en peut plus de la hiérarchie entre Chers Confrères.
Il n’a pas peur des morts, au contraire, il les aime.
Il aime le silence.

Le biologiste :

Alors oui les biologistes, ça existe. Dans les laboratoires d’analyses médicales.
Le biologiste a aimé les gens pendant ses stages. Et puis c’est devenu fatiguant.
Il a hésité avec anapath’ mais il n’aime pas trop les cadavres.
Il aime jouer avec le caca qui change de couleur selon la petite bactérie qui est dedans.

Le radiologue :

Le radiologue a aimé les gens pendant ses stages. Et puis c’est devenu fatiguant.
Pendant le stage de radiologie, il s’est pris à dire, à l’échographie : « Pour les besoins de l’examen, taisez-vous s’il-vous-plaît. »
Il sent qu’il a le swag quand il est le seul capable de voir des vraies choses sur des images informes noir/blanc/gris.
Il ouvre les yeux de ses Chers Confrères cliniciens complètement perdus ou de ses Chers Confrères chirurgiens tout excités de savoir quoi triturer.
Il a de gros projets personnels à financer.
Enfin, il est bien classé à l’ECN.

Médecine nucléaire :

On apparentera le médecin nucléaire au radiologue. Sauf que comme il y a le mot « nucléaire », on a peur et on sait que c’est une spécialité vouée à disparaître, à terme. Vraiment très long terme.

Le gastroentérologue :

Il aime les bites et les culs sur les fresques de la fac. D’ailleurs il n’aime pas qu’on critique les fresques.
Il fait semblant d’avoir lu « Le charme discret de l’intestin » et veut être le nouveau héros (après le neurologue, puisque l’intestin c’est le 2ème cerveau. Mais bien sûr, en restant derrière le cardiologue).
Il se fait rincer un max de repas par la Big Pharma parce qu’il prescrit des biothérapies à des doses hors-AMM en détournant les molécules destinées initialement aux rhumatologues mais qui sont des chochottes sans couilles (celles dessinées sur les murs) qui respectent les AMM.
Personne ne va sur transparence.sante.gouv de toute façon.
Attention, femmes, s’abstenir. Ou bien avoir des couilles (comme celles dessinées…).

L’urologue :

Aime aussi les bites et les culs dessinés… et en vrai.
Il préfère les patients hommes parce que c’est moins chochotte que les patients femmes.
Il aime chirurgier et triturer, découper et recoudre, alors que son Cher Confrère de la gastro au mieux ne met que des tuyaux dans les trous.
Attention, femmes, s’abstenir. Ou bien avoir des couilles (comme celles dessinées…).

Le rhumatologue :

On l’a déjà dit plus haut, le rhumatologue est plutôt une chochotte. D’ailleurs il ne chirurgie pas.
Il préfère les petits vieux aux enfants. Les deux se ressemblent mais les petits vieux font moins de bruit.
Il est le seul humain de la société fasciné par la sagesse des petits vieux.
D’ailleurs il n’aime pas trop les couilles et les bites des fresques mais il n’ose pas le dire pour ne pas faire anti-confraternel.

Le réadaptateur (MPR)

Il pensait faire rhumato parce qu’il aimait l’anatomie. Finalement il s’est rendu compte que les petits vieux c’était ennuyeux.
Il veut que des Grands Sportifs lui envoient des « merci » dactylographiés sur des maillots et des médailles d’or qui sont exposés dans le cab’ (inet).
Attention parfois il y a quand même des petits vieux qui consultent.

L’orthopédiste et tous les autres chirurgiens :

Il faut bien faire le boulot que les chochottes de rhumatos, réadaptateurs, gastros, etc. ne veulent pas faire.
Le chir’ a toujours été fasciné par le job des plombiers et des mécanos mais ses parents l’ont obligé à faire médecine.
Il ne comprend pas bien les règles de la vie en société. D’ailleurs il ne comprend pas pourquoi il y a une société.

L’ophtalmo :

C’est un jeune homme beau gosse. Soignant la vue, il soigne aussi son apparence. Que celui qui a déjà repéré un ophtalmo crado me jette la première pierre.
Il a bonne haleine, et la mauvaise des patients ne le dérange pas.
(cf. l’examen à visages très très rapprochés, pour les lecteurs non-connaisseurs).
Il connaît son alphabet sur le bout des doigts et met toutes les 10 minutes les autres gens au défi de le connaître aussi. C’est ça la médecine aussi.

Le gynécologue :

Il est un peu comme les confrères de la gastro et de l’uro, le pipi caca ne le dérangent pas.
Il supporte les patientes femmes contrairement aux confrères de l’uro.
Il sait détendre les patients, d’autant plus quand ils sont gênés, sans forcément leur montrer des fresques de chattes et de bites.

Génétique médicale :

Un coup à finir le nez dans les boîtes de Pétri dans un labo de l’INSERM, ce n’est pas du tout le même salaire que prévu, et surtout, les collègues chercheurs sont tout sauf confraternels. A fuir.

L’anesthésiste :

Il aime bien les patients mais il préfère quand ils dorment.
Les corps vivants inanimés ne lui font pas peur.
Il est un être social et sait comment faire pour passer des journées interminables en compagnie de chirurgiens (cf. le passage sur les chirurgiens).
Il endort et ressuscite quand il veut, sans pour autant se prendre pour Dieu.

L’hématologue :

Il est le seul à croire qu’en fait l’organe noble c’est le sang, même si ce n’est pas vraiment un organe.
Il rêve qu’un jour dans cette grande médecine occidentale d’organe, le sang ait un jour enfin la place qu’il mérite. Le sang c’est le liant.

Santé publique :

Le santé publiste a de l’ambition.
Il trouve qu’il y a beaucoup de patients aux urgences mais il veut voir encore plus grand.
En fait, il veut soigner des humains avec des chiffres.
Éventuellement il a des prétentions ministérielles.

L’ORL :

L’ORL a toujours soutenu que le rhume était une vraie maladie, voire même un vrai problème de santé publique.
Il prescrit du sérum physiologique à tour de bras et avec ça il a les mains bien plus propres que les Chers Confrères de gastro qui outrepassent les AMM.
Il aime à la fois voir les patients en consult’, à la fois les triturer pour soigner leur cancer. Oui parce qu’il n’y a pas que les rhumes quand même.

L’oncologue :

Le cancer c’est la maladie qui à elle seule arrive à être une spécialité.
Le cancer nous a environ tous touchés, de près ou de loin.
L’oncologue a toujours vu la médecine comme une branche dérivée de l’armée.

Le dermatologue :

Le dermato s’ennuie.
Il s’occupe de bronzage et de grains de beauté. On dit quand même aussi que les trucs les plus crados se voient chez le dermato.
Âmes sensibles s’abstenir.
C’est finalement assez proche de l’ophtalmo.

Le neurologue :

Le neurologue aime les trucs bizarres.
Chaque fois qu’un patient sera bizarre, à une étape de son parcours de soin, on lui demandera forcément : « Vous avez un neurologue ? ». C’est une sorte de poubelle.
Ce n’est plus ce que c’était, être neurologue. Depuis que les gens ont décrété que le 2ème cerveau c’était l’intestin, et que donc le gastro est en train de supplanter le neuro.
La roue tourne.

La médecine interne :

L’interniste a toujours été premier de la classe.
Et un peu grincheux, pour ne pas dire un vieux grincheux.
Il a hésité entre interniste, cardiologue, et l’Ecole Polytechnique, et ce « depuis le berceau ».
Il a regardé tous les épisodes de Docteur House et il pense que c’est ça, un bon médecin.
Il est mauvais joueur parce qu’il n’aime pas avoir tort.
Il rédige plein de lettres pour envoyer les patients aux autre spécialistes pour avis, parce qu’il faut occuper les malades qui ne travaillent pas parce qu’il sont soit disant trop fatigués.
Mais au fond il méprise tous les autres spécialistes, et s’il n’avait pas obtenu médecine interne, il serait devenu chercheur ; il y a des passerelles.

Le médecin du travail :

Il est un des seuls à avoir compris que le burn out était dévastateur.
Lui-même a eu du mal à supporter les études de médecine.
Il veut faire de la prévention parce qu’il y en a trop peu.
Il veut prescrire des chaises ergonomiques et connaître par cœur toutes les références de chez Bruneau parce que c’est moins risqué que les molécules du Vidal.
Il avait de la fièvre pendant les ECN.

Voilà ! Il manque quelques spécialités… je n’ai pas encore tout testé…
A compléter !
Les commentaires sont ouverts ! ☺
Et bon courage à tous les étudiants en médecine ❤

 

PS : cet article a été tweeté comme #BilletDeBlogDeLaSemaine du Département de Médecine Générale de l’Université Paris Descartes.

PPS : pour les blogs d’externes, par exemple, https://lexterne.wordpress.com/ ou https://littherapeute.wordpress.com/

PPPS : pour le néphrologue, désolée, je n’ai pas assez d’expérience ! En attendant, le blog de Delphine vous en dira davantage.

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Ma voisine la coquine

Bon. C’est l’histoire de Sophie. Ce ne sont pas les malheurs de Sophie mais presque. Sophie c’est ma voisine.

A tous les malades qui me lisent, chroniques ou pas : soyez amis avec vos voisins. Enfin essayez. Ce n’est pas toujours facile. C’est vrai que moi avec Sophie j’ai eu le coup de foudre. Et ça a été réciproque.

C’est très pratique parce que la distance à parcourir pour aller voir ses amis est ainsi très courte. Cela évite plein de problèmes d’organisation, de fatigue dans les transports, de marche, etc… Et quand la maladie isole à la maison, un voisin stylé, c’est mieux que Madame Michu qui est toujours fâchée.

Sophie a assez vite vu que je trainais souvent à la maison, et après lui avoir fait croire que je travaillais à la maison, j’ai fini par lui avouer que j’étais à la maison parce que j’étais malade.

Alors attention parce qu’à partir du moment où vous faites votre coming out de malade, vous avez automatiquement droit à tous les problèmes de maladie de votre entourage. Eh oui, c’est un package. Les gens sont gentils en fait. Ils croient que vous êtes tellement malades que forcément vous aimez ça, pas d’autre explication. Du coup, au moindre problème de santé chez les autres, vous savez tout. C’est comme ça que je connais les problèmes urodynamiques ou gastroentériques de peut-être autant de gens qu’un Grand Docteur.

Suivant cette règle, Sophie, elle me parle souvent de maladie. Mais il se trouve que Sophie aussi elle est malade. Alors elle croit que j’aime la maladie… et je crois qu’elle aime la maladie… bref on parle souvent de pipi.

Par cette belle après-midi de printemps, Sophie me racontait son dernier rendez-vous de contrôle chez un dermatologue qu’elle voyait pour la première fois. Je ne sais pas si ce détail à son importance.

Avec la maladie de Sophie, le rôle du dermatologue c’est d’inspecter toute la peau de son corps. Vous savez, les dermatologues pour examiner la peau mettent souvent un grand casque sur la tête, avec des loupes de partout, et on dirait qu’ils sont propulsés directement dans l’espace, ou sur une autre planète. Avec éventuellement d’autres règles que sur la planète Terre. Sophie et moi, on a bien les pieds sur Terre, nous.

Donc le dermatologue révisait Sophie de long en large. Elle était en culotte. Elle n’est pas pudique, Sophie. Elle ne parle pas que de pipi, Sophie. Elle parle aussi de sodomie, Sophie. Oups pardon, on est sur un blog sérieux là, lu par des Docteurs sérieux.

Mais parlons des fesses justement. Sophie me racontait que, arrivé à devoir inspecter les fesses, le dermatologue a soudain baissé sa culotte, sans même la prévenir. Sophie m’a dit : « De tous les hommes qui m’ont baissé la culotte, et Dieu sait qu’il y en a eu, c’est de loin celui qui m’a le plus choquée. »

Eh oui parce qu’elle est culottée la Sophie, mais ce dermatologue aussi.
Elle a pris une bien belle déculottée la Sophie, et lui, en mériterait bien une belle aussi.

 

PS : cet article a été tweeté comme #BilletDeBlogDeLaSemaine du Département de Médecine Générale de l’Université Paris Descartes.

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Le jeu de l’anest’

Bon. J’avais rendez-vous avec l’anesthésiste. « L’anest’ » pour les intimes. On pourrait entendre « l’ânesse » mais il faut bien dire le « t » pour ne pas confondre le médecin avec un âne. Normal.

Alors la consultation d’anest’, c’est assez détente en général. L’anest est d’expérience un spécialiste plutôt zen, peut-être parce qu’il est en contact direct et régulier avec des molécules très zénifiantes. C’est une consultation qu’on fait obligatoirement quelques jours avant de se faire opérer ou au moins endormir. Le patient dit son âge, sa taille, son poids, le nombre d’anesthésies par le passé. C’est l’occasion de passer en revue tous les antécédents, les allergies, l’éventuelle maladie chronique. S’il y en a plusieurs on dira, les comorbidités, ça fait plus médical. Et puis il y a « mor » dedans donc ça sonne comme « mort » donc ça fait tout de suite plus sérieux.

C’est là que l’anesthésiste est tout content. Plus votre dossier est gros, moins il va s’ennuyer. Oui parce que prévoir du propofol pour une fibroscopie d’un homme de 40 ans pas d’antécédents pas d’allergies qui a mal à l’estomac depuis 3 mois, c’est quand même ennuyeux non ?

Alors je déroulais mon CV médical à cette anesthésiste très sympa pendant cette consultation. Quand elle était venue me chercher dans la salle d’attente elle avait reconnu une dame avec qui elle avait sympathisé la veille au semi-marathon de la ville. Le monde est petit. L’anest’ aimait la compét. Elle faisait des « Oh » et des « Ah » devant mon CV médical. Je l’impressionnais avec mes petites notes sur lesquelles j’avais répertorié mes onze anesthésies générales en l’espace de dix ans. Le courant passait bien entre nous, même si on n’avait pas couru de semi-marathon ensemble.

Elle a fini par se confier  « Vous savez, je suis très contente avec votre dossier ? »
Et moi : « Ah bon ?».
Et elle « Oui oui, parce que bon, je ne devrais pas vous le dire mais je vous le dis quand même : on joue régulièrement entre collègues. A celui qui ramène le dossier le plus spectaculaire. Et avec vous, je suis sure de gagner ! A 30 ans, vous avez le dossier médical d’une personne de 75 ans ! »

Voilà, tout était dit. J’ai vraiment bien aimé cette anesthésiste. C’est la consultation d’anest’ dont je me souviens le mieux. Elle avait gagné son concours de Chers Confrères, et elle avait gagné sa place dans ma mémoire.

Une partie de moi à bien ri et est sacrément fière d’avoir fait gagner mon anesthésiste stylée. Une autre partie de moi a mémorisé « le dossier médical d’une personne de 75 ans ».
Pas besoin de petites notes pour retenir ça.

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