Pourquoi signer la pétition pour un nouveau calcul de l’AAH

Bon, c’était une histoire banale d’amoureux. Ma copine Justine, IMC, en fauteuil depuis toujours, me parle de ce garçon, qui d’abord était censé juste être payé pour l’aider dans sa vie de tous les jours. Ma copine Justine est étudiante, et il arrive souvent que des étudiants (valides) fassent ces petits boulots d’aide à la personne pour participer à financer leurs études. Justine payait sa ribambelle d’étudiants à son service grâce aux aides de la MHPD, de la CDAPH, de…je sais plus trop. Elle gérait comme une véritable petite entreprise cet argent destiné à ses employés. Et pour ses frais de vie à elle, y avait une allocation adulte handicapé, maigre mais tant pis.

C’était un beau brun, Julien. Regard ténébreux, classique mais efficace, je le croisais à chaque fois qu’on se voyait avec Justine. Il l’accompagnait pour qu’elle passe du bon temps avec moi, puis il venait la chercher quand on se quittait. C’est vrai qu’il était…lumineux. Le genre de personne qui te marque. Moi aussi j’avais l’impression d’être un peu amoureuse de lui. Moi aussi, parce que Justine l’était. Et c’était réciproque. Son ange gardien lui avait fait une déclaration à demi-mot, perdu entre la réserve imposée par son devoir professionnel, déboussolé par les sentiments amoureux qui font tourner la tête de n’importe quel humain.

Le temps a passé. C’était toujours la même distance entre Justine et Julien. Et moi je me gardais bien de me mêler de leurs choix de vie respectifs. Julien a fini par finir la fac. Bac +5, avec la diplomite que le marché adore maintenant, il a vite trouvé un job, 1700 nets mensuels. Maigre surtout en région parisienne, mais tant pis. C’est là que vivait Justine. Il n’était plus à son service, mais ne voulait pas s’éloigner d’elle.

Le temps passait encore. Je voyais une Justine triste, qui s’accrochait aux études, mais comme cela semblait difficile. Trouver un logement adapté où l’on pouvait aller à la fac en bus ou bien par les seules 2-3 lignes de métro accessibles aux fauteuils. Ne pas aller en cours les jours de pluie. Ne pas aller en cours quand l’ascenseur de l’amphi ne fonctionne pas. Ne pas trouver de stage obligatoire. Bref, dans ma tête Justine roulait avec son nouveau fauteuil tactile qu’elle avait payé en partie de sa poche, dans un désert aride où personne ne la voyait, et où elle ne voyait pas une oasis à l’horizon.

Un jour, je décide de lui reparler de Julien, pour voir. Il avait pris un appartement accessible exprès pour elle. Il lui avait offert un pendentif, puis une bague. « Ce n’est pas une demande en mariage » avait-il précisé délicatement. Julien aussi était malheureux, alors. Il voulait vivre avec ma copine Justine. Et c’était réciproque. Naïve, moi, je déroule alors à Justine un discours sur la confiance en soi, la difficulté pour tout le monde de sauter le pas, les avantages de la vie à deux, et blablabla. Je vois l’oasis pour Justine, elle va être heureuse enfin.

« – Je vais perdre mon AAH.
– Tu vas perdre quoi ?!
– Si je vis en couple avec Julien, je n’aurai plus droit à mes 900 euros d’AAH. J’ai trop besoin de cet argent. Il a payé en partie mon nouveau fauteuil, il paiera le suivant… »

Justine m’explique que son droit à l’AAH, son AAH si précieuse, est calculé à partir des revenus du couple quand on vit en couple. Son Julien gagnant 1700 euros nets, elle perdrait son AAH. Elle avait espéré pourtant qu’il trouve un emploi moins bien payé…Mais tant pis  pour elle et tant mieux pour lui, avait-elle dit. « C’est pareil pour nous tous, de toute façon ».

Sidération.

Aujourd’hui, une pétition est en ligne sur le site du Sénat pour envisager de réétudier ce mode de calcul. Ce mardi 12 janvier, 55% seulement de l’objectif de signatures a été atteint. Il manque 44331 signatures pour que peut-être quelque chose change ; il reste 57 jours pour que peut-être quelque chose change.

Pour Justine, pour Julien, pour les autres, pour tous en fait, SIGNONS !

 

Pour suivre l’avancée des chiffres : le compte twitter dédié objectifautobot ici
À écouter aussi : le billet de Nicole Feronni du 9 décembre 2020

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