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La mission handicap

Bon, re « c’est le dernier jour de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées », et voilà le deuxième article du jour. J’espère que vous avez bien lu le billet précédent sur la RTQH et que personne n’est en train de se dire là : la RQT…quoi ?

Dans chaque entreprise/institution qui se respecte, et notamment si elle veut se faire bien voir, si le Big Boss a décidé de favoriser la diversité, sous toutes ses formes, il y a une « mission handicap ». Je trouve ce nom un peu guerrier. Visiblement en parlant « handicap et travail » on reste dans le champ lexical de la guerre (cherchez « bouclier », « bazooka », « mission »…y en aura d’autres dans le texte, surlignez-les !). Dommage parce que la paix c’est mieux. Peut-être que c’est la guerre pour qu’un jour ce soit la paix. Donc les gens de la « mission handicap », leur mission est digne de celles de Batman et Catwoman. C’est un peu comme des féministes, mais pour les handicapés : des handicapistes qui se battent (+1) pour qu’un handicapé soit considéré comme un valide, avec toute sa différence comprise.

Je suis très curieuse de ces missionnaires. Je trouve leur mission noble. En général ils sont assez accessibles. Forcément ! Vous pouvez les voir avant même de postuler, pour prendre la température du navire auquel ils appartiennent. Ils n’ont pas le pouvoir suprême des RH, donc vous n’êtes pas obligé de sortir votre costume pour les séduire, comme quand vous voulez séduire le Docteur à l’hôpital pour avoir la permission du week-end. C’est plutôt un « venez comme vous êtes » du McDonald’s.

Bref, comme je suis curieuse j’ai dit, je me suis confrontée à plusieurs de ces missionnaires. Et j’ai envie de vous parler d’un préjugé terrible contre lequel les handicapistes doivent se battre, et qu’on trouve même chez les handicapistes parfois. C’était une de mes premières fois devant une mission handicap. Une des premières questions après le formalisme de politesse habituel, et le léchage de bottes mutuel habituel, a été : « De quels aménagements auriez-vous besoin ? » Très bien. On ne parle pas maladie, on parle conséquences et aménagements. Moi j’ai baragouiné quelques trucs. Puis l’handicapiste a repris les questions : « Vous avez besoin d’un environnement calme, sans stress ? » Là j’ai un peu bugué. Je n’ai pas compris la piste que suivait l’handicapiste. J’ai dit : « Ben non pas spécialement… » en même temps, je réfléchissais à qui de toute façon aime travailler dans un environnement bruyant et stressant… ? Elle n’a pas trop apprécié mon « non », et du coup elle a insisté avec le soi-disant besoin de calme. Elle voulait absolument m’enfermer dans un placard au calme où me déposer comme une petite Belle au bois dormant fragile dans un lit à baldaquin où on aurait baissé tous les drapés ? C’est quoi ce vieux préjugé comme quoi un handicapé ne peut pas vivre du stress ? Je vous explique pourquoi je crois que c’est tout le contraire justement.

Je crois qu’on est entraîné au stress. Un peu comme à la douleur. Pour la douleur, les scientifiques ont prouvé que quelqu’un qui ressentait/avait ressenti beaucoup de douleur dans sa vie, allait être plus sensible à un nouveau stimuli de douleur, même faible, comparativement à quelqu’un qui n’aurait jamais eu mal. Ça, c’est la science. Et puis après, il y a le vécu. Quand on a connu la big méga douleur, on se plaint moins d’une petite nouvelle. C’est juste une de plus. On relativise beaucoup plus facilement. Le stress c’est pareil. Évidemment, comme on l’a dit dans l’article précédent, handicapé=au moins à un moment il y eu de la souffrance, donc peut-être qu’on ne va pas expressément presser comme un citron l’handicapé, ou bien charger la mule démesurément. Mais pour autant, le stress, un handicapé connaît bien déjà, les pires qui soient. Pour ne citer que quelques exemples de stress : avoir la maladie qui vous tombe dessus, vivre avec, se retrouver coincé dans une zone dont on ne peut plus sortir seul en fauteuil, y attendre plusieurs heures, faire coucou à la mort en hospitalisation. C’est ça qui fait vraiment peur. Alors ensuite le stress du travail… si bien sûr on considère des conditions normales de travail, c’est vraiment pas grand-chose à côté du stress de la maladie.

Il y a clairement une sorte de force du handicap. Et c’est le rôle de la mission handicap que de mettre en valeur cette force. Faire comprendre qu’un handicap ce n’est pas QUE une faiblesse. Je reprends ici les justes mots du Professeur Nicolas Leveziel, qui s’exprime sur le site de l’INSERM, concernant des candidatures RQTH : ​ »J’ai été frappé par la qualité des dossiers reçus. C’est comme si le handicap poussait les personnes à se surpasser […] Ce sont des stratégies de compensation impressionnantes, que la plupart des personnes qui ne souffrent pas d’un handicap auraient beaucoup de difficultés à mettre en œuvre. »
Eh oui mon petit Nicolas, c’est bien dit, tout ça.

Pour finir je vous le dis, un jour moi Président, moi Batman, moi Catwoman, moi chef d’entreprise, moi handicapée moi handicapiste, la mission handicap ce serait moi, et le critère de recrutement pour avoir des gens solides à mes côtés ce serait :

« On ne recrute QUE des handicapés ! »

PS : Alors, combien de mots guerriers surlignés ?

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La RQT… quoi ?

Bon. C’est le dernier jour de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) et ça fait longtemps que je veux vous parler d’un truc avec un nom bizarre : la « RQTH » = la Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé. Genre si vous êtes handicapé et que vous êtes quand même en état de travailler, la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) vous propose un petit papier qui va vous permettre de vous protéger face au monde des requins du travail, une sorte de bouclier. En réalité, ce papier va vous permettre d’aller voir la médecine du travail (on croit toujours qu’elle sert à rien mais non !) pour aménager votre poste, faire du télétravail, vous proposer un taxi pour faire une certaine distance, etc. Selon votre métier et selon les possibilités du médecin du travail. Ici, je vous propose de décortiquer un à un les mots de l’acronyme « RQTH ».

Prenons Reconnaissance. Peu de gens connaissent la RQTH, même parmi les « handicapés ». On connaît un peu COTOREP. Les « cotos » dont on aime bien se moquer. Enfin moi perso j’aime pas. « Les COTOREP » ça n’existe plus. C’est « les RQTH ». Donc on ne connaît pas, mais on re-connaît. C’est déjà pas mal. C’est important. Ça fait plaisir ; le jour où vous recevez la décision de la MDPH, pour vous dire que le quorum des médecins a décidé de vous « reconnaître », vous vous sentez compris. Vous n’avez pas souffert tout ça pour rien. Vous avez une sorte d’attestation. Vous vous imaginez toute la société devenir gentille comme dans le billet « ma copine Pauline« . Bon là, vous rêvez.

Prenons Qualité. Qualité c’est pas mal. C’est mieux que défaut. Ça ajoute un peu de complexité à l’acronyme par contre. On s’en serait peut-être bien passé du Q. Mais peut-être que les gens qui ont inventé ça aimaient le Q.

Prenons Travailleur. Ça fait sérieux. On comprend bien. Ça rime avec sueur. Ça fait penser aux gars de la mine du Germinal de Zola. Le travail quand on est handicapé ça peut paraître antinomique. Mais pourtant c’est possible dans plein de cas, et y a même des gens dont le travail c’est d’aider les handicapés à travailler. C’est l’objet de l’article suivant. Aujourd’hui, dernier jour de la SEEPH, deux articles pour le prix d’un sur le blog !

Prenons Handicapé. Ben faut savoir que c’est pas facile. Le mot « handicapé », cette situation, cet état de fait, ce truc qui n’arrive qu’aux autres, en général au début vous n’en voulez pas. Y a un long processus de souffrance physique et morale avant de se dire : « bon sang, je suis handicapé ». Peut-être que la rapidité de cette réflexion est aussi liée à la rapidité de votre « passage » vers la mauvaise santé. Peut-être que si demain après un accident de voiture vous êtes assis sur un fauteuil, ça va aller plus vite de se dire qu’on est handicapé. Mais ce n’est pas trivial. Donc conclusion, même face à quelqu’un qui en est au stade où il se reconnaît lui-même handicapé, il faut prendre des précautions avec ce mot. Parce que : « il est handicapé » = au moins à un moment il a souffert de ce mal.

Donc après l’analyse de l’acronyme, dans la vraie vie, ça donne quoi la RQTH ? En théorie ça sert à vous aider, à ce que vous soyez dans les meilleures conditions pour travailler, à vous protéger, c’est comme un bouclier. En théorie. Y a bien des endroits où l’inertie est grande et où on s’en fiche bien de votre RQTH, même si on la comptabilise quand même PARCE QU’ELLE PERMET DE REMPLIR LES QUOTAS. Ah l’éternelle perversité liée à la question des quotas… Aussi perverse que ceux qui aiment trop le Q, justement. La règle dit : « Tout employeur occupant au moins 20 salariés est tenu d’employer à plein temps ou à temps partiel des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l’effectif total de l’entreprise. Les établissements ne remplissant pas ou que partiellement cette obligation doivent s’acquitter d’une contribution à l’Agefiph, le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. » Donc il y a une punition d’argent en dessous de 6%.

Quand j’ai demandé ma RQTH à la MDPH, moi je voulais juste mon bouclier. Je voulais qu’on ne me reproche pas mes absences trop nombreuses (pour l’hôpital), mes arrivées trop tardives (pour le labo d’analyses ou pour plaire à la fatigue). Je voulais me cacher derrière ce bouclier. Puis j’ai commencé à entendre parler des quotas… J’ai commencé à entendre les phrases : « Tu sais, c’est super que tu aies ce truc. » Waou. Même : « T’as de la chance. » Waou. Même : « Ça fait plusieurs années que j’ai mal à la hanche, je me demande si je ne vais pas faire reconnaître mon handicap moi aussi. » Waou.

Vous avez compris l’effet pervers des quotas : les gens sont jaloux, oui jaloux, parce qu’ils croient que grâce au bouclier, vous rentrez partout. Genre le bouclier n’est plus une arme de défense, mais d’attaque. Deux choses :

1) La jalousie est un vilain défaut. On fait un vis ma vie de mon handicap ? Tu veux voir si « le quota » va parvenir à compenser tout le poids de mon handicap ? Jamais.

2) Ben non le bouclier n’est pas un bazooka. Oui y a une tonne de personnes handicapées au chômage.

Voilà. Moi quand je me présente auprès d’un employeur, je dis que je suis handicapée. C’est ma passoire à connards. Je garde mon bouclier dans ma poche. Et j’observe. Je vous assure qu’on filtre beaucoup beaucoup beaucoup.

Bon courage à tous les Reconnus de Q de Travailleurs Handicapés ! Aux autres aussi ! Bisous aux jaloux.

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Le cœur du con

Bon. Aujourd’hui j’ai fait un truc que certains vont peut-être trouver mal. Je n’ai rien voulu faire de mal ; je n’ai voulu faire de mal à personne. Aujourd’hui je déménage.

Aujourd’hui, c’était avec un voisin de mon immeuble parisien, à qui je n’avais jamais fait de mal, mais qui lui faisait souvent du mal aux autres. Moi je l’avais vu une fois, je l’avais même trouvé sympa. Et voilà qu’aujourd’hui, il est venu s’en prendre à moi, à moi et mes quatre hommes, moi fragilisée et mes quatre hommes dévoués, pour m’aider à charger mon logement, pour m’aider à vivre, d’après le Docteur, dans un monde meilleur.

Le meilleur de mes déménageurs avait chargé les planches dans l’ascenseur, à la manière d’un artiste – il aurait voulu être un artiiiiiste – Il était un gamer de Tetris. Le bois filait et glissait entre ses mains, allait atterrir en délicatesse au sol, soutenu par un pied, pendant qu’un autre bras attrapait une autre planche… quelle grâce ; j’étais au cirque ou à l’Opéra devant un ballet contemporain. Il avait un beau corps fort. Un peu de gras certes, le gras du bon vivant. J’aurais voulu être le médecin de ce gars. Pour percer le secret d’un corps pareil. Curieuse comme vous me connaissez, je lui ai posé des questions médicales de base. Depuis combien de temps il faisait ça ? 20 ans. S’il avait eu des blessures ? Jamais. Pas la moindre tendinite. Allez au moins un petit mal de dos ? Parfois le soir exceptionnellement mais le lendemain plus rien. Waouuuu. Je voulais ce gros corps solide. L’effort ruisselait sur son visage mais il n’était pas essoufflé. Il était souple, puissant, précis, et jamais malade. Devant tant de pertes et perles hydriques visibles sur sa peau, j’ai proposé de boire de l’eau, il m’a dit non merci. Je lui ai proposé les toilettes. Non plus. Je n’ai pas trouvé la faille dans ce corps. Avouez lecteurs qui bossez à la Sécurité Sociale que vous aussi vous rêvez de ce type !

Et puis dans toute cette admiration sur Damien, il y a eu l’intrusion de Filipo. Filipo le con de voisin. Un businessman en blues sûrement, qui aurait aussi sûrement voulu être un artiiiiste, et qui aurait mieux fait de porter un peu la blouse. Filipo a voulu utiliser l’ascenseur plein de planches artistiquement juxtaposées par Damien, enlacées dans des couvertures douces et chaudes. Ben oui, Filipo il paye les charges de copro (pas -culture les gastroentérologues), donc quand il VEUT prendre l’ascenseur, il PEUT le faire. Alors il a saccagé sans pitié le travail de mon artiste. Il a tout sorti de l’ascenseur. Comme un sauvage. Il a posé les planches sur un sol sale et humide. Il a rayé un miroir contre le mur. Filipo n’aurait jamais pu être un artiste. Il mettait du temps à faire son chapardage.

Malin le Damien a vite senti l’embrouille et est descendu voir la magouille. Filippo pris la main dans le sac, le sac du mépris, de l’impolitesse, de l’égoïsme, du moche, n’arrivait plus à sortir sa main tellement il était coupable. Alors il a insulté le corps de Damien. Traité de colosse, de molosse. Filipo lui, frêle et grêle et gras mais sans grâce, payait ses charges sans élégance.

Damien est venu me relater les faits, puisque c’était moi la patronne dans l’affaire ; c’était moi la mandataire. Damien m’a dit qu’il s’était « retenu de lui casser la gueule parce qu’il y avait ses enfants ». Ah le miracle des enfants. Alors je me suis dit que ça n’allait pas se passer comme ça. Ce con bien connu allait enfin prendre sa leçon.

J’ai lissé mon visage, j’ai pris mon plus grand sourire polissé pas policé, j’ai pris un de mes hommes à qui j’ai demandé de garder le silence et de seulement frapper à la porte. Évidemment le con était aussi bien connu pour être misogyne, alors une femme + un homme c’était mieux. Mais je voulais que ce soit la femme qui parle. Mon homme a frappé tel un policier qui frappe quand il y a le feu à votre immeuble. Je ne vous le souhaite pas, d’entendre un jour ce coup de frappe sur la porte. Mais là, c’était déjà drôle. Le lâche a davantage peur de la frappe que du feu, alors il a pris le temps de regarder par le petit trou de sa porte. Il a vu une femme, il a ouvert, finalement il n’y a vu que du feu.

« Très cher Monsieur, je suis venue m’excuser de vous avoir dérangé en utilisant l’ascenseur pour mon déménagement. »

Le con était désarçonné. Lui qui avait défoncé mes planches délicates s’attendait sûrement à la guerre. Il fantasmait que j’étais venue me battre comme une femme, que je voudrais lui tirer les cheveux, et qu’il serait sûr de gagner parce qu’il était déjà chauve. Il était plus fort sur le terrain de la bêtise. Mais moi je voulais le rendre intelligent ce con. On a parlé. Il m’a un peu écoutée, je l’ai un peu écouté. Il tenait beaucoup à ce que je comprenne le contexte, son « contexte ». Il fallait contextualiser sa vie difficile avec ses enfants, sa vie chargée de businessman en blues qui rentre tard le soir et qui veut utiliser l’ascenseur, pendant que moi je ne faisais rien de mes journées à part le déranger.

Voilà c’était trop tentant. Elle était là l’occasion rêvée. Il fallait faire un coming out. Il fallait lâcher du lourd. Il fallait que ce con comprenne qu’il n’y avait pas que son con-texte dans la vie, mais qu’il y avait aussi celui des autres. Celui de Damien qui travaille bien pour trois fois rien. Et le mien qui paye Damien avec mes miettes de pain. Quand je fais un coming out propre, mes maladies rares sont longues et compliquées à expliquer, personne ne connaît leur petit nom alors j’insiste sur les conséquences. Personne ne comprend bien la gravité, alors je dis que oui ça peut être la mort bientôt. On ne sait pas quand, mais oui elle peut frapper un jour à votre porte comme un policier parce qu’il y a le feu à votre immeuble. Rassurez-vous lecteurs, pour l’instant les médecins et moi, on essaye de contenir le feu. Bon bref voilà, mon contexte à moi, il est compliqué, et je sentais que face à ce con, je n’avais pas droit à beaucoup de texte. Il fallait parler vite et bien.

J’ai remarqué qu’il y a en gros deux trucs qui clouent le bec à quasi tout le monde : le fauteuil roulant et le cancer. Je n’ai pas de fauteuil, et ça se voit. Je n’ai pas non plus de cancer, mais ça ne se voit pas. Je sais bien ce que c’est que le cancer cependant. Il m’a déjà enlevé beaucoup d’être aimés. Avec mes médicaments immunosuppresseurs dont les docteurs et moi on abuse, il me menace aussi, on le sait. Alors, pensant à tous ces êtres aimés, à tous ceux qui se battent contre des maladies plus ou moins méchantes mais toujours chiantes, j’ai dit : « Cher Monsieur, si on contextualisait tout, je vous parlerais aussi de mon cancer. »

Je fantasmais ce faux-vrai coming out depuis longtemps. Pour voir. J’avais laissé tomber une grosse pomme de Newton sur sa tête et l’expérience avait fonctionné.

Le con a pâlit direct. Il a baissé les yeux. Pour la première fois de toute notre houleuse conversation. Il s’est senti con je crois. Je lui ai dis que j’avais encore beaucoup à faire et sur ce coming out je suis partie comme un prince. Il ne m’a pas claqué la porte au nez. Il ne m’a pas souhaité bon courage, il s’est encore moins excusé de quoi que ce soit. Ni de sa bêtise ni de sa connerie ni de ma maladie.

Mais en tout cas voilà, moi je sentais que j’avais gagné. Le cancer l’avait prouvé en moins d’une seconde : le con cachait un cœur.

La maladie a ses pouvoirs que la raison et le cœur ignorent.

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La guérison

Bon. Vous avez peut-être déjà compris en lisant des bouts de blog, moi j’ai deux (deux c’est mieux) maladies chroniques incurables. In-cu-ra-ble, comme le découpe l’artiste DoubleA dans son spectacle, dont je vous parlerai bientôt. « Incurable » d’après le Larousse (je m’appelle Leroux, j’aurais toujours voulu m’appeler Larousse, d’abord parce que je suis une fille et pour faire plus intelligent) ça veut dire : « Dont on ne peut se défaire, qui possède un défaut sans qu’on puisse l’en débarrasser ». Donc ce n’est pas comme un rhume qui s’en ira. Ce n’est pas comme une infection à clostridium difficile qui après vous avoir permis de séjourner dans la plus belle chambre de l’AP-HP, partira avec l’aide des antibiotiques.

Incurable = on ne guérit pas. Alors oui peut-être un jour, quand les chercheurs auront beaucoup travaillé, quand les labos pharmaceutiques auront vu l’opportunité de faire tourner la boîte, quand les médecins auront eu confiance en des nouveaux médicaments, peut-être un jour, des maladies incurables aujourd’hui, deviendront curables. Mais dans longtemps quoi. A l’échelle d’une vie humaine, le corps médical vous explique d’emblée que la maladie, c’est pour la vie.

En fait, dans certaines maladies incurables, comme les miennes, les évolutions sont imprévisibles. Ça peut s’aggraver toujours, ça peut se calmer toujours, ça peut évoluer en dent de scie toute la vie. Donc dans tous les cas c’est un peu comme un mariage à l’ancienne. On tombe sur quelque chose, on ne sait pas trop comment ça va se passer, mais pour sûr on va rester marié.

A partir de là, il y a un truc génial en France, qui s’appelle l’ « Affection longue durée » (ALD). C’est très affectueux comme petit nom, la même affection qu’il y a dans un mariage justement. Ce système permet par exemple d’avoir ses médicaments entièrement pris en charge par la Sécurité Sociale. Ça peut être très intéressant si par exemple votre médicament coûte 5000 euros par mois. Il n’y a pas les 30% pour la mutuelle, ou pour votre pomme si vous n’avez pas de mutuelle. Autre exemple, en général les radiologues ne prennent pas de dépassement d’honoraires si votre ordo concerne l’ALD. Sans faire de commentaires sur les tarifs des radiologues, on commentera la belle économie que peut vous permettre l’ALD sur les imageries, si vous êtes sans mutuelle ou si votre mutuelle ne prend pas en charge les dépassement d’honoraires (ce qui est mon cas, et le cas de plein de monde).

L’idéal c’est que votre maladie chronique se trouve dans LA liste des 30 ALD reconnues par la Sécurité Sociale. Une fois le diagnostic posé, bien annoncé, vous avez la chance de pouvoir faire une « demande d’ALD ». En général la réponse est positive dans le cas de la maladie de « liste ». C’est comme pour rentrer en boîte de nuit, c’est toujours mieux d’être sur « la liste ». Alors par contre, il y a un truc curieux. On a bien retenu les mots « longue durée ». Logique puisqu’au-dessus on a parlé de « incurable ». Et bien souvent, on a l’ALD pour un an, deux ans, cinq ans, dix ans, bref pour quelques années. Je ne comprends pas trop bien. Ils sont très optimistes à la Sécurité Sociale sûrement. Sur tout le processus dont on a parlé au début, chercheurs, labos pharma, médecins… Ils pensent que ça va aller très vite. Pourquoi pas. Mais juste pour qu’on se rende bien compte hein, une demande d’ALD, ça peut prendre plusieurs mois entre la demande et la réponse. A priori ça veut dire que c’est un processus « longue durée ». Donc pourquoi la super idée ce serait pas de tout simplifier et de mettre des ALD à vie ? Ben oui, in-cu-ra-ble. Figurez-vous que ça a déjà existé. Mais que d’après un MG que j’avais vu qui connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui travaillait à la Sécurité Sociale, on aurait peur du trafic de cartes vitales à ALD à vie, même après la mort des gens. Quand j’avais entendu ça…waou. Je me voyais déjà millionnaire. Oui parce que mon père a une ALD à vie. Enfin non pas « à vie » mais on lui a délivré en 2008 un papier lui disant que son ALD serait valable jusqu’en 2099. Mon père est né en 1949. Je vous laisse faire le calcul et du coup voir l’espérance de vie estimée par la Sécurité Sociale pour mon père. On a dit optimisme, encore plus que chez Carrefour ! Du coup je sais déjà ce que je ferai pour gonfler mon héritage. Merci Papa.

Alors reprenons, si votre maladie chronique n’est pas sur la liste des 30 ALD (regard noir du videur : « Vous n’êtes pas sur la liste ») et bien c’est un peu le : « ça ne va pas être possible ce soir« . C’est-à-dire que là, c’est encore mieux, vous n’êtes pas malade chronique ! Vous n’avez pas d’affection longue durée, désolée. En réalité les médecins (= ces pessimistes qui aiment les malades et les maladies) arrivent en général à batailler avec la Sécurité Sociale et de là ressort une semi victoire à moitié réaliste qui vous déclare un peu malade, à revoir dans quelques années, comme si vous aviez été sur « la liste ». La maladie c’est donc finalement plus souple que la boîte de nuit.

Pour la MDPH, la Maison Départementale des Personnes Handicapées, qui « reconnaît » votre handicap, vous délivre éventuellement une carte de priorité, ou une carte d’invalidité, ou une carte de stationnement, c’est le même optimisme ! Une demande à renouveler tous les 2 ans, tous les 5 ans. Rapport à leur force de travail, on peut saluer encore davantage l’optimisme extrême de la MDPH, puisque là les délais, par exemple pour mon cas perso « simple » (= tu demandes pas d’argent) à Paris (c’est « départemental »), ça a été un an et demi le temps entre la demande et la réponse. Voilà voilà. Presque le temps qu’on pense que tu seras guéri quoi.

Alors moi, aussi candide ou optimiste que l’avait décrit Voltaire, je me prends à rêver, à chaque fois que je reçois ces fameux courriers qui m’indiquent que mon ALD a été renouvelée, pour deux années. Je rêve tellement…

C’est bon les lecteurs, dans deux ans je suis guérie, j’arrête tout, les médicaments l’hôpital les médecins et le blog, pour aller faire pousser des pommes de terre en Isère avec Voltaire !

PS : la photo, c’est celle du valeureux Eric T, merci Eric ! Vous pouvez le suivre sur Twitter.
PPS : Un fidèle lecteur me fait remarquer que, le problème de ce macaron, c’est la durée !

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Le bon secrétaire

Bon. Y a un métier à l’hôpital dont on parle peu. On cherche souvent « un bon médecin ». On fait bouger tout son carnet d’adresses, on se retrouve à appeler des gens qu’on n’aurait jamais osé appeler. On ne pense jamais au secrétaire du fameux soit-disant bon médecin. Enfin pas assez. Parce qu’en fait ça peut tout changer. Le bon médecin devient moins bon si son secrétaire oublie votre bilan (=votre prise de sang) sur le fax. Le bon médecin devient moins bon si son secrétaire vous dit « Je vous tiens au courant du résultat de la biopsie » alors que ça fait…(je repense à toi, je calcule dans ma tête, voilà) un peu plus d’un an que j’attends qu’on me tienne au courant du résultat de la biopsie. Évidemment on peut aussi appeler le secrétaire pour lui rappeler de vous tenir au courant, faire appeler directement l’anapath’ (=anatomopathologiste), etc. Mais on apprécie vraiment, un bon secrétaire.

Du coup je vous prends l’exemple de Stéphanie, qui m’enchante littéralement à chaque fois que j’ai besoin d’elle. Stéphanie c’est la secrétaire de mon médecin qui me prescrit mon médicament en ATU (heureusement que j’écris ce billet maintenant parce que figurez-vous que, ça y est, mon ATU est passée en AMM, bravo à ANSM de bien bosser, de lire le blog, de bien bosser, de lire le blog…) Donc quand je téléphone à Stéphanie, je dis bonjour, je dis que je suis une patiente du docteur C, j’expose la raison de mon appel et après environ douze secondes elle me coupe systématiquement et elle me fait : « Vous êtes Madame Manon ? » Je la soupçonne de jouer à deviner comme ça tous les patients pour pimenter sa journée. Donc je ne me présente jamais, pour qu’on puisse jouer. Elle ne s’est jamais plantée avec moi. Pourtant on s’appelle genre que tous les trois mois, si tout va bien. Quand je lui dis « oui, encore bravo pour avoir deviné » elle sourit. Vous avez remarqué comme on entend au téléphone quand quelqu’un sourit ? Le sourire c’est important.

Donc là, je ne voulais pas prendre rendez-vous, ni le CR (=compte-rendu) de l’anapath’ sur ma dernière biopsie, il y avait un problème avec le renouvellement de mon ATU. Pour changer… C’est la pharmacie hospitalière qui m’avait avertie qu’elle n’avait rien reçu, même si ouf, pour rajouter un mois de traitement, elle avait pu s’arranger. Pourtant avec le Docteur C et Stéphanie, on avait lancé la demande un mois avant la fin de la précédente ATU. C’était un vrai travail d’équipe. Mais ça avait planté on ne sait pas où, et je risquais de me retrouver sans traitement. Ça ne plaisait pas à Stéphanie ça. Stéphanie m’a dit « Je vous rappelle ». Alors voilà, en toute amitié, en toute honnêteté, en toute humilité, en toute sympathie, en toute rigolade, quand quelqu’un, n’importe qui, à l’hôpital, vous dit : « Je vous rappelle », très souvent ça veut dire : « Next« . Désolée pour ceux qui n’ont pas suivi cette émission très intéressante. Peut-être qu’il aurait fallu un peu plus d’hospitalisations…? Bref donc moi quand j’entends « next », j’ai pris pour habitude de me mettre des rappels, pour moi, rappeler. C’est même une externe sympa qui m’avait dit ça quand j’étais « une débutante » : « C’est l’hôpital hein, faut harceler. »

Ben Stéphanie, y a jamais besoin de la rappeler, de lui rappeler. Sur ce problème particulier, elle m’a appelée tous les jours, pour me tenir au courant, pendant genre une petite semaine. Si j’entendais pas son appel elle laissait un message. Puis elle m’envoyait un mail pour me dire qu’elle m’avait laissé un message. Et elle mettait l’ordo en PJ. Puis elle me rappelait pour me dire qu’elle m’avait envoyé un mail et qu’attention il pouvait être allé dans les spams. Voilà vous avez compris, elle est en or la Stéphanie du Docteur C. Et quand tout le monde dit que le Docteur C est super (c’est vrai), j’aurais bien envie qu’on rende à César ce qui est à César, et qu’on souligne qu’il y a aussi, Stéphanie.

Maintenant après avoir encensé Stéphanie, j’ai envie de vous raconter un autre secrétaire. Cette fois le secrétaire est un homme, parce que non, ça n’arrive pas qu’aux femmes. Ça arrive même à des hommes très bien, puisque Wikipedia dit que Stéphane Plaza avait envisagé dans un premier temps de devenir secrétaire médical. Les habitués de « Recherche appartement ou maison » et compagnie reconnaîtront bien là la qualité de commère éventuellement nécessaire au métier de secrétaire. Alors c’est parti. Moi aussi quand je m’ennuie, je peux enclencher mon mode commère, on dira plutôt ici, le mode furetage, pour votre plus grand plaisir, lecteurs !

Je sortais du Docteur et il fallait reprendre rendez-vous au « Bureau des rendez-vous », un bureau avec une porte fermée et une petite vitre, sur laquelle étaient à demi-collées des affiches de l’AP-HP. J’ai regardé rapidement à travers la vitre de la porte fermée, il était midi. Je demande en face à l’ « Accueil des consultations » si le « Bureau des rendez-vous » est parti manger. L’accueil me dit : « Non normalement il est là ». Je retourne voir par la petite fenêtre. Effectivement ça bouge à l’intérieur, et la porte s’ouvre, un homme qui se tient bien droit apparaît, une main sur la poignée de la porte, l’autre main qui touche furtivement sa blouse. « Madame ? » dit-il, pendant qu’une autre madame, en blouse aussi, sort furtivement d’un semblant d’arrière bureau du « Bureau », en ne se tenant pas très bien droite, et, disparaît. J’ai bien aimé ce truc bizarre.

J’ai dit que le Docteur m’avait dit de reprendre rendez-vous dans trois mois. Il a explosé de rire : « Ah les médecins ». Pendant qu’il fouillait le planning, on a sympathisé. Il m’a dégoté un rendez-vous vraiment stylé, à trois mois et demi. Il m’a dit tout fier : « Ah je ne peux pas mieux faire ! » A l’heure où l’hôpital aussi se met à Doctolib, ce petit coup de pouce/pousse, qui ne peut être que le fait d’un humain, m’a fait penser au jeitinho brasileiro. Le jeitinho c’est tellement brésilien qu’il vaut mieux aller au Brésil pour vraiment comprendre ce que c’est. C’est plus prononcé à Rio qu’à São Paulo. Mais bon, vous avez compris en gros.

Comme si ce service/jeitinho ne suffisait pas, le « Bureau » ajoute : « Vous avez raison de consulter ce médecin, c’est le médecin des stars !  » Tiens donc. Et là tout fier de m’énumérer quatre noms de stars qui viennent dans le service. Moi je demande : « Hum, mais vous avez vraiment le droit de me dire ça ? » Et lui, explosant de rire, encore : « Bien sûr que non, mais vous n’êtes pas paparazzi, sinon on se ferait de suite chacun 10 000 euros ». Il ne croyait pas si bien dire… notre bon secrétaire ! Le voilà en vedette sur le net ! Heureusement pour tout le monde je n’ai pas (encore trop) la dalle et je ne vous livre pas, en pâture, le noms de ces stars, qui affectent maintenant, mon em-pathie.

Fallait finaliser la discussion avec le « Bureau des rendez-vous ». Vous voyez venir le problème ou pas ? Il avait la langue bien pendue notre bon secrétaire, alors je lui ai dit que je ne voulais pas lui donner mon nom, si c’était pour le répéter, au tout venant. Il a ri encore : « Ah mais vous, vous n’êtes pas célèbre ! » Heureusement. J’ai été obligée de donner mon nom. Mais en échange j’ai exigé son prénom. Je vous le livre en partie : ça sonnait comme Blaise. Vraiment à l’aise, ce Blaise !

Je ne lui ai rien dit pour le blog évidemment ; ça reste entre nous, tout ça 😉

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Contre Sainte-Bœuf

Bon. Depuis que j’ai commencé les blag sur le blog, vous êtes nombreux à m’écrire et j’adore ça. Entre autres trucs, certains m’ont dit : « on voudrait que tu parles de médecins qui sont des connards ». Je répète « connards » parce que la célèbre et talentueuse médecin et auteure Jaddo emploie ce mot, donc c’est probablement parfois justifié, mais je ne suis pas trop trop pour trop trop de méchanceté. J’ai réfléchi à ce truc des « connards ». Je ne pense pas que ce soient des envies gratuites de médecin-bashing. Mais peut-être que parfois on peut être plus facilement blessé par un médecin que par une autre profession de santé, parce que le médecin a un certain pouvoir, et que la santé c’est souvent la souffrance.

C’est vrai que j’ai majoritairement raconté des gentils médecins. Je crois que c’est parce que quand ça se passe mal, j’essaye de comprendre pourquoi avant d’écrire. Ou bien j’oublie pour ne pas trop souffrir. Parce que oui, je ne vis pas dans un monde de Bisounours, et oui, parfois ça se passe mal.

Alors voilà, aujourd’hui je fais plaiz’ à ceux qui voulaient du croustillant de connard, ou du connard à l’orange, ou du connard laqué. Et je vais vous raconter cette médecin que l’on n’appellera pas. Ça fait 6 mois que je l’ai vue en consult’. J’ai eu le temps de réfléchir, de mûrir tout ça. Je l’avais déjà vue avant deux trois fois, ça ne c’était pas si mal passé que ça. C’était le genre ni spécialement sympa, ni spécialement pas sympa. Assez savante mais ne sachant pas tout quand même. Je l’avais déjà prise en flagrant délit de méconnaissance de l’insuffisance corticotrope par exemple, mais par politesse, je n’avais rien dit. On était entre adultes n’est-ce pas, pas là pour se noter. Et puis, comme dit mon endocrinologue, du Centre de Référence des Maladies Rares de la Surrénale s’il-vous-plaît : « Face à l’insuffisance corticotrope, il y a les endocrinologues, et il y a les autres. » Moi je dirais : « Il y a mon endocrinologue, et il y a les autres », tellement elle est savante, mon endocrinologue.

Bon. Donc je sais pas comment vous expliquer cette fameuse consultation avec Madame n’a pas de nom. Elle m’expliquait ma maladie, je posais des questions. Je posais peut-être trop de questions. C’est peut-être une déformation professionnelle de chercheure. Il y a eu un déclic dans la consultation. Je lui demandais si un médicament était vraiment nécessaire, parce que oui, même si on dirait que j’aime les médicaments tellement j’en prends, en fait non, j’aime pas ça. En tout cas je préfère les prendre quand ils servent. Et là, il y avait un élément du traitement que je ne comprenais pas. Ça a été le tonnerre, la foudre qui a déclenché un déferlement de remontrances. Ça pleuvait sur moi comme des grosses gouttes de pluie tropicale. Ça faisait beaucoup de bruit. Un bruit sourd que même un sourd aurait entendu :

J’avais rien compris à ma maladie, mon mode de vie c’était n’importe quoi, fais pas ci, fais pas ça, touche pas à ci, touche pas à ça, et fais ce que je te dis uniquement parce que sinon JE TE SIGNALE QUE TU VAS MOURIR.

Et bim. Elle avait dégainé son arme fatale, fait tomber son couperet bien aiguisé, la menace de mort, le pouvoir magique suprême du médecin, le pouvoir du prisme lunaire. C’était Sailor Moon. On était toujours entre adultes là ou pas ? J’ai pris un Xanax discrètement pendant son réquisitoire qui ne s’arrêtait pas. Je cherchais le bouton stop. C’est très facile de prendre un Xanax discrètement, ça s’avale tout seul, beaucoup plus facilement que les couleuvres qu’elle était en train de me faire avaler, avec tout ce venin qu’elle me crachait. Elle me cravachait.

Elle a fini par s’arrêter. Elle a souri. Bon sang elle avait kiffé. J’ai arrêté de poser des questions évidemment. Elle s’était enfin stoppée. Elle a rédigé l’ordo. Y avait le médicament que je voulais arrêter. Elle m’a dit qu’on se revoyait dans trois mois elle souriait toujours, elle kiffait toujours. Je ne sais plus trop si je souriais encore moi. On s’est serré la main pour se dire au revoir, comme des adultes.

Une semaine plus tard, j’ai reçu le compte-rendu dans ma boîtes aux lettres, une des fameuses lettres de l’AP-HP qu’on craint tant. Ok tout ça c’est secret, mais je vous livre en amis la petite phrase délicate qu’elle a écrite, entre les « la patiente n’a toujours pas compris sa maladie », « la patiente continue de faire ci, de faire ça, de toucher à ci, de toucher à ça » :

« On est troublé, comme à chaque consultation, par la présentation psychique de la patiente. »

Eh ben dis donc. Moi qui avait été si troublée de m’être fait cravacher, mais qui était restée bien élevée, adulte en somme, voilà qu’elle inondait tous ses Chers Collègues et mes Chers Médecins (des gentils des vrais) d’un compte-rendu 1) accusateur 2) qui mettait en exergue ma présentation psychique. En sus de son pamphlet éloqué bien ficelé de la consult’, voilà, dans ce compte-rendu, elle m’avait notée. Une très très très mauvaise note. Je me suis toujours dit que les profs (mon père était prof) qui aimaient mettre des très mauvaises notes avaient un truc à régler avec la notion de frustration. Je ne peux pas vous dire tout ce qui s’est dit pendant cette consult’, ni tout ce qu’il y avait dans ce compte-rendu. Je peux juste vous dire que j’ai très mal dormi pendant de très nombreuses nuits. J’étais vraiment traumatisée. Il a fallu entre autres y consacrer toute une consultation de psychiatrie. Toute une consultation pendant laquelle j’ai répété ma version des faits, pendant laquelle j’ai dit ce qui m’avait été dit, pendant laquelle j’ai tenté de faire mon propre plaidoyer, pendant laquelle la gentille psychiatre a essayé de me rassurer en me disant qu’on avait tous une présentation psychique et que celle de la médecin sans nom, indigne de son nom, était d’apparence bien plus curieuse que la mienne. J’ai dit à la psychiatre que j’en voulais à cette méchante parce qu’elle m’avait enlevé le sommeil. La psychiatre m’a dit que la méchante ne dormait pas forcément mieux. J’ai aimé ça. Nous imaginer toutes les deux chacune dans son lit ne pouvant dormir, l’une torturée, l’autre torturant.

Aujourd’hui ça va mieux. J’ai été en contact avec des patients à elle, qui m’ont dit que eux aussi, ils ne feraient plus partie de sa patientèle. Ce n’était peut-être donc pas que moi, moi et mes questions, moi et mes problèmes de médicaments, moi et ma présentation psychique, moi et mes problèmes de touchage. Je pense à elle quand je fais un truc qu’elle avait dit de NE PAS FAIRE, quand je touche un truc qu’elle avait dit de NE PAS TOUCHER. Effectivement parfois je touche et ça se passe mal, et je me dis qu’elle avait en partie raison. Mais de là à me menacer de mort… « Quand on sera mort, là on en profitera pour dormir » comme dit ma copine anesthésiste.

Donc voilà, je continue de toucher. Et de faire. Et de vivre. Même si chaque seconde y a de la souffrance. On va tous mourir un jour de toute façon.

Il n’y a qu’une chose à laquelle je me suis promis de ne plus toucher,
c’est à cette sainte-nitouche mal baisée.

PS : l’explication pour le titre, c’est qu’elle me fait penser à un gros bœuf. Je suis désolée, c’est vraiment pas sympa pour les bœufs. Et Proust n’aimait pas les méthodes de Sainte-Beuve. Et moi je n’aime pas les méthodes de celle-là.

Edit : une copine médecin aguerrie avec un grand cœur, m’a dit qu’elle avait vu dans cet article, la peur de l’impuissance, de ne pas être capable de soigner, qui selon elle hanterait davantage les médecins que l’erreur médicale. Or ici, lecteurs au grand cœur, il ne faut voir que la maladie du médecin, puisque c’est bien de ça dont il s’agit. Une maladie confirmée par plein de gens après mes questionnements, en off bien sûr. Pour lire sur le médecin pas malade mais impuissant, c’est plutôt ici sur le blog.

 

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Ma copine Pauline

Bon. J’ai trois copines Paulines et les trois ont un handicap : une sclérose en plaques, une maladie de Crohn, et une myopathie des ceintures. Elles ne se connaissent pas mes copines Paulines, mais elle s’entendraient bien, je pense. J’ai envie de vous parler ici de ma copine Pauline qui a la myopathie des ceintures, non pas parce que les autres sont moins intéressantes, mais parce que la Pauline de la myopathie, ça se voit. Voila, c’est là toute la différence. Pauline en plus de son handicap qui se voit, elle est très belle, elle est très gentille, elle est très intelligente. Elle est juste assise et elle est comme un petit escargot qui transporte avec elle sa maisonnette. Elle peut aller très vite avec son fauteuil. Elle a même le droit de rouler sur la route comme une voiture. Bref, on dirait un super-héros. Une super-héroïne la Pauline.

On rabâche tout le temps, et on a bien raison, avec le handicap, le problème de l’accessibilité. C’est juste une énorme galère la vie de Pauline. Les trottoirs, la taille des ascenseurs, les toilettes, le bus et les poussettes qui prennent la place des fauteuils, les meubles trop hauts (maintenant il y a des fauteuils qui ont une fonction « levage »), parler toujours la tête en l’air parce qu’on est toujours assis, manger et s’en mettre partout parce que l’assiette ne se lève pas toute seule, attendre la nana qui vient tous les matins à 7h pour vous caler sur le fauteuil avec un appareil spécial pour faire le transfert, attendre la nana tous les soirs à 19h pour vous caler au lit. Je vois déjà les chronobiologistes se frotter les mains. Pauline elle, ne peut pas se frotter les mains.

Dans le billet « le certificat médical« , je vous avais un peu parlé du handicap invisible. Ici avec Pauline je voudrais vous parler de l’autre handicap, le visible, le « facile » à repérer, le handicap que les gens fantasment : « Ah bon, il est handicapé ?! », « Où est son bras en moins? », « Regarde sa main à 6 doigts ! ». Il n’y a pas que ça dans le handicap. D’ailleurs l’autre jour j’étais à une réunion Cap Emploi (=Pôle Emploi handicapé). On était 20. Pas un seul handicap visible. Pourtant je me suis moi aussi « amusée » à chercher le bras en moins, le doigt en plus. Rien. Et pourtant pas des imposteurs.

En fait ici j’utilise Pauline parce qu’avec son fauteuil électrique il n’y a pas de doute sur le handicap, et parce qu’elle est classe. Mais vous pouvez essayer vous tous d’être un handicapé visible avec une béquille, ou un corset thermoplastique (avec stabilisateur de nuque c’est plus impressionnant) par exemple. Et moi je suis la copine de Pauline, et je suis aussi handicapée, différemment, et ça ne se voit pas. Comme on est copines, on traîne pas mal ensemble. On sort, on prend les transports, on va aux courses ou au bar, on parle aux gens. Et y a un truc de dingue dans la vie de Pauline et qui quand même est beau, et dont on ne parle pas souvent, et dont j’aimerais vous parler ici.

Elle appelle ça très finement le « capital sympathie ». Oui, la société n’est pas si méchante avec le handicap. Enfin pas toujours trop méchante. Ok il n’y a pas de bateaux sur tous les trottoirs mais il y a quand même plein de gens qui deviennent à la vue de Pauline, super gentils. Et sa vie qui est une grosse galère en devient un tout petit peu plus facile. Par exemple, Pauline « marche » (elle dit elle-même « marche ») avec son portefeuille bien en évidence sur ses genoux, du matin au soir. Il est juste posé. Mille fois plus provoc’ que le sac à dos à demi-ouvert ouvert dans le métro avec le portefeuille dans la petite poche (ça aussi vous pouvez tester, mais je vous conseille plutôt avec un vieux truc vide auquel vous ne tenez pas). Et ben il ne se passe rien pour Pauline. Bientôt 30 ans de fauteuil et encore jamais fait voler son portefeuille.

Pauline et moi, les employés nous ouvrent les portes, les serveurs nous demandent si on a bien mangé, les mecs de la SNCF blaguent avec nous dans les ascenseurs, les gens veulent qu’on passe devant eux dans la queue aux courses. Quand elle est seule, Pauline est tellement classe qu’elle refuse poliment le passage devant la queue aux courses puisque comme elle dit, elle est déjà assise et elle peut attendre comme tout le monde. Mais quand on est ensemble, on profite de ces gens gentils dans la queue parce que moi ça me fait mal d’être debout, et elle elle le sait. D’ailleurs aux constructeurs de fauteuils roulants, on rêve d’une petite table qui serait glissée sous l’assise de Pauline et qui se déroulerait quand ses amis veulent s’asseoir à côté d’elle à sa hauteur partout où on se poste avec le fauteuil. Parce qu’il n’y a pas que elle qui pourrait vouloir s’asseoir. Voila, elle est trop classe ma copine Pauline, tout comme elle est trop classe la société quand elle active le capital sympathie de ma copine Pauline. Ce qui serait encore plus classe c’est qu’un jour, même les handicapés invisibles puissent dire qu’ils l’ont eux aussi, ce capital sympathie.

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La rencontre avec la Big Pharma

Bon. J’ai envie de vous raconter une petite histoire drôle. C’était il y a genre 2 ans mais je vais essayer de m’en souvenir au mieux du mieux. Et puis comme ça vous avez uniquement le grand cru, sélectionné par ma mémoire pour vous.

Depuis toujours je suis inscrite dans les banques de données des instituts de sondages pour arrondir un peu les fins de mois. Ça peut aussi être très ludique d’arrondir ses fins de mois comme ça. Ainsi pendant plusieurs années j’ai été payée pour aller déguster des trucs souvent archi bons. Genre trois macarons au chocolat nommés A, B et C que je devais observer, sentir, goûter, noter. C’était cool.

Alors un jour j’ai reçu un email d’un gros laboratoire pharmaceutique qu’on nommera X qui cherchait des gens qui prenaient leur médicament Y pour leur poser des questions. Je prenais ce médicament depuis plusieurs années, on se connaissait bien tous les deux. Le labo était sympa, il offrait des goodies aux patients traités par Y. Je ne vous dis pas quels goodies pour pimenter le récit et préserver l’anonymat de tout ça.
Avouez que vous avez déjà les papilles qui pétillent… !

Donc on me proposait 40 euros pour 2 heures d’entretien avec une nana du labo X. J’ai postulé direct. Bien plus par curiosité que pour les 40 balles, mais c’est aussi toujours ça de pris que d’être payé pour être malade. Je suis arrivée dans un centre qui visiblement en même temps faisait un sondage sur les pizzas. Les gens arrivaient en nombre « pour les pizzas » et étaient enfournés tour à tour dans une salle attenante qui sentait bon. Moi j’attendais sagement sur le canapé « pour le médicament ». Je me suis demandé pourquoi je n’avais pas aussi reçu le mail « pour les pizzas ». Mon tour est arrivé, une nana genre la cinquantaine, belle, blonde et fraîche, est montée me chercher parce que « les médicaments » ça se passait à la cave (c’est Paris hein, les trucs qui ont pignon sur rue ont souvent des caves, genre c’est souvent là où y a les toilettes des bars, le top de l’accessibilité pour les collègues en fauteuil. Bon on ne va pas refaire Paris en un billet de blog).

Ambiance tamisée dans la cave. Ça sentait plutôt bon. Pas la pizza mais… une odeur de médicament qui donne envie. La belle nana et moi on s’assoit face à face avec un bureau qui nous sépare, un peu comme chez le médecin. Je suis assez gênée. Comme à chaque fois chez un nouveau médecin. La nana m’explique qu’il n’y a pas que elle en face de moi, mais qu’en fait il y a le reste de son équipe derrière une vitre noircie – en mode salle d’interrogatoire du commissariat – qui observe mes réactions et elle me demande si c’est OK pour moi. J’hésite entre WTF ou LMFAO. Je ne suis plus trop gênée, je trouve ça drôle. J’ai envie de faire *coucou* à l’équipe, mais je m’abstiens. Ça pourrait être interprété comme une réaction. Et puis j’avais pas encore eu les 40 boules. Je me sentais « au travail », alors il fallait rester pro. La nana m’explique qu’elle va me poser des questions et que je vais à chaque fois choisir entre 5 smileys, du très content au pas du tout content. On en avait pour 1h30 comme ça, alors je ne vous fais que le petit florilège :

1) Avez-vous peur de l’aiguille ?
Smiley content simple.

2) Votre médicament est conditionné en rouge et gris, qu’en pensez vous ?
Dans ma tête j’ai encore hésité entre WTF et LMFAO, puis j’ai choisi un smiley content simple.

3) Auriez-vous davantage envie de prendre votre médicament s’il était d’une autre couleur que la couleur actuelle ?
Là j’ai vraiment hésité à mettre un smiley très content (pour « oui ») pour mettre le marketing tout transpirant de suspense derrière la vitre en branle-bas de combat : « Noémie putain tu vois je t’avais dit que vert ce serait mieux, ça fait nature. Les gens aiment la nature. » Je voyais déjà la buée sur la vitre teintée. Bon finalement je suis restée pro, j’ai pas voulu stresser Noémie&co, donc j’ai rassuré tout le monde en cochant le smiley bouche neutre.

4) Est-ce que vous oublieriez moins souvent votre médicament s’il avait une autre apparence de forme, taille… ?
WTF et/out LMFAO. On est passé au niveau supérieur aux 5 smileys à choisir. La nana m’explique que c’est une question à double entrée où on combine l’intensité de l’oubli et la forme, donc elle me sort un tableau à double entrée à remplir de smileys avec le délai en jours que je pense que je vais oublier selon la forme et la taille… pfiou… des maths j’en ai fait un peu, mais je vous avoue que j’ai galéré pour ce tableau à double entrée, j’ai juste eu envie de lui écrire en gros en diagonale sur le tableau : « C’est pas la taille qui compte. » C’était trop vulgaire, c’était pas pro, j’ai rempli le tableau.

On arrête les questions à smileys, et on passe au dialogue. Elle me demande si je ne préférerais pas aux aiguilles plantées hebdomadairement, un petit boîtier collé en permanence sur ma peau. Elle me montre le proto, toute fière. C’était quand même un parallélépipède de environ 2*1*6 cm. Donc gros quoi. Là oui, quand c’est trop gros, la taille compte. Bref le boîtier, je rigole, pas que dans ma tête cette fois. Quand même Noémie ! Non on ne veut pas du boîtier !

On continue les questions ouvertes. Moins neuneu que les smileys. Elle me demande ce que je fais dans la vie et je lui dis que je suis chimiste. Elle s’extasie : « Ah mais fallait le dire avant ! » Ben depuis le début je désigne des smileys comme demandé. Toujours un peu gênée je demande pourquoi. Elle aussi du coup un peu gênée dit qu’elle ne sait pas pourquoi. Bon. On en reste là sur mon métier de chimiste. J’ai réfléchi longtemps à cette extase quand même. Elle voulait me recruter ? Elle me trouvait mieux éduquée que d’autres ? Elle n’aurait pas caché ses collègues derrière la vitre ? Ça l’excitait que ce soit un expert en molécules qui goûte une molécule ? Je suis restée là-dessus. Si c’est Cyril Lignac qui évalue un couscous, c’est toujours plus intéressant que si c’est Stéphane Plaza.

Elle m’a demandé si j’avais quelque chose à ajouter. Do you have something else to declare ? J’ai dit oui. J’étais aussi venue pour ça. Je vous le dis à vous aussi lecteurs : le médicament faisait mal ! À l’injection. Ça dépendait des gens bien sûr, mais globalement on était très nombreux à s’en plaindre. On s’embêtait à se coller des patches EMLA des heures à l’avance comme pour les vaccins des gamins, l’été c’était pas pratique parce que les patches se décollaient, alors on entourait les patches sur la jambe avec tout un tube de sparadrap. Et malgré toutes ces précautions, moi par exemple je ne pouvais pas bouger la jambe pendant une vingtaine de minute après la pikouze, et j’avais un peu mal à la jambe pendant 24 heures. Donc j’ai raconté tout ça. En vrai je suis chimiste mais je ne connais pas tous les mécanismes du pourquoi du comment des médocs injectables qui font mal. Il y a la composition, la viscosité, la température, d’autres trucs. Bref c’est sûrement pas facile de réaliser une substance qui ne fait pas mal.

On arrivait aux deux dernières questions. Elle m’a demandé quel serait le truc le plus important que j’aurais à dire de négatif sur ce médoc et évidemment j’ai pas dit « rouge et gris », j’ai dit « la douleur ». Elle m’a demandé le truc le plus positif sur ce médoc et évidemment j’ai pas dit « rouge et gris » mais j’ai dit « son efficacité ». La nana a bien pris note mais j’ai senti la déception. Ils avaient clairement bossé la couleur… »Donc le rouge et gris sous cette forme-là comme ça, vous êtes sûre que vous confirmez que ça vous convient ? » On ne vivait pas dans le même monde je crois. Elle m’a fait relire mon procès verbal, j’étais d’accord. On s’est chaleureusement serré la main, elle m’a raccompagnée en haut, filé mon chèque de 40 euros, je suis sortie dans la rue vite fait.

Je ne sais pas si les pizzas aussi avaient déjà fini. Voilà, je suis rentrée satisfaite, un peu sous le choc quand même de cette rencontre fortuite en face to face avec la big pharma. Je ne sais pas combien de gens ont été interrogés, si j’étais la première ou la dernière ; je connais encore moins les résultats. Ce que je sais c’est qu’environ un an après, une nouvelle version de ce médicament Y est sortie. Ça a fait un mini buzz type nouvel iPhone, entre patients, au cab’ du doc’, à la pharma : « Alors tu l’as testé toi ça y est ? » Pour tous c’était le pied. Non le rouge et gris n’était pas devenu vert mais le liquide à injecter avait changé de formule. Il ne faisait plus mal ! Maintenant je ne prépare plus un rituel presque funéraire hebdomadaire, avec chaise à accoudoirs, coussins rehausseurs, musique apaisante, pansements sang et serrage de dents, mais je pique je pique je pique, je pourrais même faire des pizzas en même temps !

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C’est le cancer

Bon. L’autre jour j’étais chez le radiologue pour une écho(graphie) abdo(minale) de contrôle à la recherche d’adénopathies = des boules pour faire plus simple. Clairement le radiologue avait envie de parler. Alors il me raconte. Sa journée hyper chargée, son métier hyperchargé, mon métier, l’interaction insuffisante entre chercheurs et médecins, les chercheurs qui ont la grosse tête et que quand on a une grosse tête mais qu’on est mal payé la seule chose qui reste c’est d’avoir la grosse tête. Tout ça pendant qu’il balade sa sonde sur le gluant qu’il a étalé sur mon ventre. Un mec sympa en somme, ce radiologue.

Et là alors qu’il a fini son écho, il regarde ma date de naissance sur le dossier :
« Oh mais vous savez que vous avez changé de signe astrologique ?! »
Moi : « ? »
Lui : « En fait la NASA a mis à jour le calendrier astral, donc il y a un nouveau signe, et ça a tout décalé, et je crois bien que vous avez changé de signe ».

Ça ne m’a pas plus ce truc. Je suis lion. Enfin je suis lionne. Et j’aime cet animal solitaire, puissant, nerveux, caractériel, qui ne se laisse pas faire. Donc logique qu’un lion n’aime pas qu’on lui dise qu’il n’est pas un lion.

Et le radiologue d’enfoncer la sonde dans la plaie :
« Attendez je regarde votre nouveau signe ».

Il cherche donc sur son ordi, l’ordi qui normalement sert à faire de la médecine hein, donc de la Science si on peut dire. Moi j’attends du coup. J’espère qu’il se plante complètement et que je suis bien lion et qu’il va me laisser tranquille comme ça.

« Vous êtes cancer ! »

Voilà.
A la fin de son écho pourtant normale, le radiologue avait réussi à me refiler un cancer.

PS : On rigole on rigole mais en général on a tous un proche qu’on aimait beaucoup beaucoup et qui est parti avec le cancer, le vrai… -> La ligue mène un combat magnifique.

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Le cafard

Bon. Comme plein de monde j’ai la phobie des cafards. En général (« en général » j’en croise pas beaucoup) je les défonce aux perméthrines et il n’en reste rien pour prendre une photo correcte. D’où la photo de la banque d’image. Je me dis que personne va lire ce post tellement la photo révulse. Mais pour les courageux, bienvenue !

Une période où j’étais hospitalisée, et une amie s’est mise à m’envoyer tous les soirs un petit sms. C’était trop mignon. Elle se creusait vachement la tête. Je lui avais dit que j’en ferais un livre. Elle m’avait répondu que c’est moi qui devrait faire un livre.

A tous ceux à qui ont le cafard, aux amis qui savent pas quoi dire à leurs amis qui ont le cafard, voilà une compil’ ce qu’elle m’avait envoyé :

– si t’as le cafard…croque un carambar
– si t’as le cafard…écoute la danse des canards
– si t’as le cafard…un mars et ça repart
– si t’as le cafard…fume un pétard
– si t’as le cafard…prends un ricard
– si t’as le cafard…choppe un calamar
– si t’as le cafard…a pris une journée de retard…mais il est de retour ce soir !
– si t’as le cafard…course un jaguar
– si t’as le cafard…matte un bon nanar
– si t’as le cafard…change ton avatar
– si t’as le cafard…fais un canular
– si t’as le cafard…prends-toi pour une rockstar
– si t’as le cafard…va a Zanzibar
– si t’as le cafard…lis un polar
– si t’as le cafard…va à la marre au canards
– si t’as le cafard…fais la cougar
– si t’as le cafard…écoute une fanfare
– si t’as le cafard…demande à ce qu’on te raconte une histoire
– si t’as le cafard…crache un mollard
– tu me diras un jour si t’as le bourdon !

Edit : Une fidèle lectrice me fait la remarque : « si t’as le bourdon… lis Manon ! »

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