La RQT… quoi ?

Bon. C’est le dernier jour de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) et ça fait longtemps que je veux vous parler d’un truc avec un nom bizarre : la « RQTH » = la Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé. Genre si vous êtes handicapé et que vous êtes quand même en état de travailler, la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) vous propose un petit papier qui va vous permettre de vous protéger face au monde des requins du travail, une sorte de bouclier. En réalité, ce papier va vous permettre d’aller voir la médecine du travail (on croit toujours qu’elle sert à rien mais non !) pour aménager votre poste, faire du télétravail, vous proposer un taxi pour faire une certaine distance, etc. Selon votre métier et selon les possibilités du médecin du travail. Ici, je vous propose de décortiquer un à un les mots de l’acronyme « RQTH ».

Prenons Reconnaissance. Peu de gens connaissent la RQTH, même parmi les « handicapés ». On connaît un peu COTOREP. Les « cotos » dont on aime bien se moquer. Enfin moi perso j’aime pas. « Les COTOREP » ça n’existe plus. C’est « les RQTH ». Donc on ne connaît pas, mais on re-connaît. C’est déjà pas mal. C’est important. Ça fait plaisir ; le jour où vous recevez la décision de la MDPH, pour vous dire que le quorum des médecins a décidé de vous « reconnaître », vous vous sentez compris. Vous n’avez pas souffert tout ça pour rien. Vous avez une sorte d’attestation. Vous vous imaginez toute la société devenir gentille comme dans le billet « ma copine Pauline« . Bon là, vous rêvez.

Prenons Qualité. Qualité c’est pas mal. C’est mieux que défaut. Ça ajoute un peu de complexité à l’acronyme par contre. On s’en serait peut-être bien passé du Q. Mais peut-être que les gens qui ont inventé ça aimaient le Q.

Prenons Travailleur. Ça fait sérieux. On comprend bien. Ça rime avec sueur. Ça fait penser aux gars de la mine du Germinal de Zola. Le travail quand on est handicapé ça peut paraître antinomique. Mais pourtant c’est possible dans plein de cas, et y a même des gens dont le travail c’est d’aider les handicapés à travailler. C’est l’objet de l’article suivant. Aujourd’hui, dernier jour de la SEEPH, deux articles pour le prix d’un sur le blog !

Prenons Handicapé. Ben faut savoir que c’est pas facile. Le mot « handicapé », cette situation, cet état de fait, ce truc qui n’arrive qu’aux autres, en général au début vous n’en voulez pas. Y a un long processus de souffrance physique et morale avant de se dire : « bon sang, je suis handicapé ». Peut-être que la rapidité de cette réflexion est aussi liée à la rapidité de votre « passage » vers la mauvaise santé. Peut-être que si demain après un accident de voiture vous êtes assis sur un fauteuil, ça va aller plus vite de se dire qu’on est handicapé. Mais ce n’est pas trivial. Donc conclusion, même face à quelqu’un qui en est au stade où il se reconnaît lui-même handicapé, il faut prendre des précautions avec ce mot. Parce que : « il est handicapé » = au moins à un moment il a souffert de ce mal.

Donc après l’analyse de l’acronyme, dans la vraie vie, ça donne quoi la RQTH ? En théorie ça sert à vous aider, à ce que vous soyez dans les meilleures conditions pour travailler, à vous protéger, c’est comme un bouclier. En théorie. Y a bien des endroits où l’inertie est grande et où on s’en fiche bien de votre RQTH, même si on la comptabilise quand même PARCE QU’ELLE PERMET DE REMPLIR LES QUOTAS. Ah l’éternelle perversité liée à la question des quotas… Aussi perverse que ceux qui aiment trop le Q, justement. La règle dit : « Tout employeur occupant au moins 20 salariés est tenu d’employer à plein temps ou à temps partiel des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l’effectif total de l’entreprise. Les établissements ne remplissant pas ou que partiellement cette obligation doivent s’acquitter d’une contribution à l’Agefiph, le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. » Donc il y a une punition d’argent en dessous de 6%.

Quand j’ai demandé ma RQTH à la MDPH, moi je voulais juste mon bouclier. Je voulais qu’on ne me reproche pas mes absences trop nombreuses (pour l’hôpital), mes arrivées trop tardives (pour le labo d’analyses ou pour plaire à la fatigue). Je voulais me cacher derrière ce bouclier. Puis j’ai commencé à entendre parler des quotas… J’ai commencé à entendre les phrases : « Tu sais, c’est super que tu aies ce truc. » Waou. Même : « T’as de la chance. » Waou. Même : « Ça fait plusieurs années que j’ai mal à la hanche, je me demande si je ne vais pas faire reconnaître mon handicap moi aussi. » Waou.

Vous avez compris l’effet pervers des quotas : les gens sont jaloux, oui jaloux, parce qu’ils croient que grâce au bouclier, vous rentrez partout. Genre le bouclier n’est plus une arme de défense, mais d’attaque. Deux choses :

1) La jalousie est un vilain défaut. On fait un vis ma vie de mon handicap ? Tu veux voir si « le quota » va parvenir à compenser tout le poids de mon handicap ? Jamais.

2) Ben non le bouclier n’est pas un bazooka. Oui y a une tonne de personnes handicapées au chômage.

Voilà. Moi quand je me présente auprès d’un employeur, je dis que je suis handicapée. C’est ma passoire à connards. Je garde mon bouclier dans ma poche. Et j’observe. Je vous assure qu’on filtre beaucoup beaucoup beaucoup.

Bon courage à tous les Reconnus de Q de Travailleurs Handicapés ! Aux autres aussi ! Bisous aux jaloux.

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