Archives de catégorie : Dans la vraie vie

Le grand écart

Bon. Cabinet de médecine générale. Consultation compliquée pour le MG car « relèverait de la médecine interne » mais bon les internistes sont moins dispos et accessibles.

Et là ça sonne. Vous savez le « Sonnez puis entrez » placardé sur la porte du cab’ ? Ben là ça sonne plusieurs fois sans entrer. Le MG met en pause sa consultation d’interniste pour aller voir, et j’entends un homme qui parle. Il parle ahuri, lentement, il aurait besoin d’un Docteur, il ne sait même pas ce que c’est Doctolib, le MG lui propose de patienter mais finalement il part. Et peut-être on ne saura jamais de quoi cet homme avait besoin à ce moment-là.

Ce n’est pas la première fois que je suis témoin de ce type d’événement dans le cabinet du MG. La première fois c’était un homme qui voulait que son fils soit vu dans l’immédiat sinon il frapperait le Docteur.

Ça me fait penser à cet homme sans-abri dont j’avais fait la connaissance aux urgences. Moi j’attendais le tri après un AVP (Accident de la Voie Publique) alors que lui n’attendait rien. Il avait ses habitudes dans la salle d’attente. Tout le personnel le connaissait. A un moment il est sorti « fumer une clope » un peu trop longtemps et je revois l’interne désemparé le chercher partout dans la salle d’attente et un peu dehors aussi.

Je me dis qu’il y a vraiment un grand écart entre ce à quoi les Docteurs (et moi patiente indirectement) sont confrontés dans leur « vraie vie professionnelle » et ce qu’on leur a dit quand ils étaient jeunes, dans une vie éventuellement « confortable » (la mienne aussi). Je ne suis pas médecin alors je ne vais pas dire ce qu’on dit aux jeunes médecins (même si j’ai des oreilles).

Moi j’ai été formée (merci) à la Grande Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm de Paris (à surtout ne pas confondre avec celles de Lyon ou de Cachan-Orsay « qui sont largement inférieures »). Et « nous » « on nous a appris » à MEPRISER LES MEDECINS, « parce qu’ils avaient été sélectionnés à apprendre par cœur et pas à réfléchir ». Peut-être l’équivalent de la culture carabine sauce Normale Sup’ (et ses prépas privilégiées).

Je regarde la pyramide de haut en bas, « de la Grande Ecole Supérieure jusqu’à l’Homme en passant par le Médecin », et je me dis qu’il y vraiment un grand écart.

Et on s’oublie un peu parfois. Nous juste les Hommes, les Humains quoi.

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Comment appelle-t-on poliment un arrêt de commercialisation ?

Fatche de con.

J’ai vraiment envie de m’encagner.

Aujourd’hui pour moi c’est jour de deuil. Comme y a eu pour plein d’autres malades en France. Je suis en train de consommer ma dernière ampoule de Intercron. Après c’est fini, c’est l’arrêt de commercialisation. Intercron, c’était un médicament commercialisé par la société Laphal Industries, basée dans le sud de la France à Allauch, au chiffre d’affaires 2018 de 24 051 500 euros. Probablement une bande de mafalous. Des chiens des quais.

Peuchère les malades qui utilisaient ce médicament, et qui sont maintenant dans la panade. Mais dégun s’intéresse à nous.

Peu chers aussi, probablement. Peu chers financièrement, parce que la boîte de 30 ampoules était vendue autour de 15 euros, à la charge du malade, puisque les grands de ce monde avaient barjaqué que l’Intercron n’était pas assez intéressant pour être remboursé. Pourtant ce médicament, moi (et d’autres), il avait sauvé ma vie à une époque. Mais après tout, on est 7 milliards sur Terre, elle vaut combien ma vie ? Je suis peu chère, affectivement parlant. Mais à l’inverse, je suis aussi devenue très chère. Maintenant, la sécurité sociale française (merci à elle) va me payer un médicament à 1700 euros par mois. Qui peut-être remplacera le bon vieux Intercron, mais peut-être même pas. Je vous laisse constater les ordres de grandeur de différence de prix : l’Intercron qu’on enterre, 15 euros par mois. L’autre qu’on met en avant dans toutes les publications, généreusement mis au point par l’industrie pharma, 1700.

On dirait que finalement à la sécurité sociale ils ne sont plus des rascous, ou bien c’est vraiment qu’ils sont de Martigues.

Ils ont TOUS fait une belle cagade .

Quel monde de fada…

Le con de Manon. (C’est le cas de le dire).

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Se souhaiter la santé finalement ?

Bon. Il y a pile deux ans, j’écrivais sur ce blog un article de hipsteure rabat-joie sur les lapalissades et bondieuseries des « Bonne Année et Surtout Bonne Santé » des 31 décembre.

Il y a pile un an, je n’écrivais rien, la fièvre du lundi soir ayant tapé vraiment trop fort ; plutôt que de danser sur les tables, j’avais trépigné dans le lit. Et c’était sans savoir que…l’année suivante en serait maudite. Chaque semaine, chaque mois de 2019, une nouvelle sorcière est venue frapper à ma porte, pour me jeter un mauvais sort. Sans le savoir, ce 31 décembre 2018 où j’avais laissé la maladie me dorloter, j’avais pactisé avec Le Diable.

Cette année, j’ai décidé de tout reprendre à zéro. Il y a plusieurs mois que j’ai échafaudé que le 31 décembre 2019 à minuit, même malade même sale même moche, je serai là, présente, à m’égosiller dans les 2*7,7 milliards d’oreilles sur Terre le plus fort possible, même à ceux qui ne veulent pas l’entendre : BONNE ANNÉE ET SURTOUT BONNE SANTÉ !!!!!

Doux vœux sincères à tous.

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La fatigue

Bon. Quand je suis tombée malade chronique le 16 avril 2009, j’allais encore plutôt bien en termes d’état général. Je faisais des études dans une Grande École Prestigieuse, même s’il y avait plein d’ulcérations dans les organes de mon corps.

Comme tout novice à l’aube de son diagnostic, je cherchais des solutions dans l’alimentation, dans les plantes, dans la méditation pleine conscience, dans les témoignages des malades plus vieux donc plus expérimentés…

Et je me souviens de ce Monsieur sans âge, sur une web TV d’une grande asso française de maladie chronique super connue maintenant. Le son était de mauvaise qualité, l’image grisâtre. Le Monsieur avachi, chemise blanc sali, et derrière, un fond gris clair. Il parlait lentement, morose. Je méprisais un peu ce gros type tout mou, repensant à ma soirée en boîte de nuit de la veille. Ouais j’avais des ulcères partout mais moyennant quelques aménagements bien à moi, je continuais de vivre.

C’était y a 10 ans. Je me souviens d’une seule phrase de cette vidéo : « On s’habitue à tout, le plus dur c’est la fatigue ». Du haut de mes 22 ans, je ne comprenais pas ce type.
De quelle fatigue se plaignait-il ?
Il était allé en boîte la veille lui ? non.
Il avait lavé sa chemise ? non.
Il était allé faire du shopping chemise pour la vidéo ? non.
Il faisait du sport pour être moins gros ? non.
Bref, sans méchanceté mais pleine de naïveté, je me disais que Monsieur devait être un flemmard, et que moi, moi, moi jamais je ne me plaindrais de « la fatigue ».

Hier soir je me suis couchée à 22h, aujourd’hui je me suis réveillée à 14h ; malgré plusieurs réveils qui avaient été programmés pour me sortir de la torpeur qui me ronge nuit, jour… Et pourtant en ce moment, je dirais que je vais plutôt bien.

Ah…! comme la petite clubbeuse de 22 ans dans ma tête est en colère.

Je comprends ce Monsieur seulement maintenant.

En fait « la fatigue » c’est un truc qui vient plus tard. A force d’années de douleurs, de fractures, de diarrhées, de vomissements, d’inflammation, de migraines, d’infections, même quand ça va un peu mieux, ce qui reste toujours à la fin c’est : la fatigue. Pas la fatigue psychologique du malade saoulé d’avoir vu défiler trop de malheurs.

Non, non : la fatigue, du corps.

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Ping, faisait la cuvette des toilettes

Bon. Coucou les lecteurs. Vous avez vu, ça fait loonnnnngtemps que je n’écris pas, c’est la fatigue maximale, la zombitude paroxystique, l’état de mort-vivance comme je dis. Vous vous traînez « comme un légume », à part dormir, mangeouiller, aller aux toilettetouiller, vous ne faites rien. Vous êtes vivants ok mais dans les faits… Même la douche assis sur une chaise c’est une mission digne de celles de James Bond. Je ne vous raconte pas la jouissance quand vous y parvenez.

Dans cette vie de coton, vous croisez parfois la ou les personnes qui vivent avec vous. Moi je vis avec une personne de mon âge, en bonne santé, qui travaille qui fait du sport. Un genre de miroir de ce que vous devriez être si vous étiez normal. Presque vous êtes un peu jaloux et en colère mais bon ça c’est chacun son problème de s’accepter comme il est, c’est pas le sujet ici.

Ici je voulais surtout vous informer d’un concept rigolo. Moi pour m’épanouir ces derniers temps, comme je ne peux pas faire de métro-boulot-vélo-amigos, j’essayais d’être la parfaite ménagère de 30 ans. Lessive, lave-vaisselle, vitres, aspirateur, couture, tout ça, c’est mon objectif de fou. Et c’est vrai, que telle Marie Kondo, quand j’y arrive, ou soyons réalistes quand j’y arrive un peu, il y a indéniablement une très grande satisfaction à montrer à celui qui a travaillé toute la journée :

« Hum mais chéri regarde donc la brillance de cette cuvette à toilette ».

Ça fait une petite étoile sur la cuvette et le bruit « ping » comme dans les pubs, en même temps que vous dites la phrase.

Et puis y a les moments de grosse méga loose. La vie de coton qu’on a décrite au tout début de ce billet. Vous vous traînez « comme un légume », et à part dormir, mangeouiller, aller aux toilettetouiller, vous ne faites rien. Moi je me sens terriblement mal comme ça. Je culpabilise je suis malheureuse. Je me dis « voilà, je ne travaille pas je ne sors pas je ne fais rien, par conséquent je devrais en profiter pour essuyer une petite cuvette de toilette, et même ça, je n’y arrive pas ». C’est dur dur pour l’estime de soi.

Et c’est là qu’arrive l’idée du gentil petit bonhomme en bonne santé qui vit avec moi : « Si tu veux, je te fais un arrêt de travail à la maison. Le Docteur il a signé un arrêt de travail à l’extérieur, moi je signe un arrêt d’intérieur ».

Trop mignon non ?

Puisse ce concept s’étendre loin loin, déculpabiliser tous les très fatigués, rendre gentils tous les vivants avec les zombies, parce que parfois rien que la cuvette des toilettes, c’est vraiment dur dur de lui faire faire *ping*.

 

PS : ça marche tout pareil si vous ne vivez avec personne. En général vous vous sentez tout fier de montrer à n’importe qui qui vient chez vous (l’ami le parent le voisin le plombier le livreur de courses le chat l’insecte) que la cuvette peut faire *ping* grâce à vous.

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Pourquoi mon vélo électrique est un fauteuil roulant

Bon. Y a quelques années encore, genre moins de 5 ans, je courrais allègrement dans les allées du Lux. La boucle c’est environ 2 km. Je faisais 1-2-3-4 boucles selon la forme.

Et puis y a eu les poumons. C’était un peu compliqué de courir, ça respirait mal.

Y avait mon ami, qui avait un vélo. Il allait très très vite en vélo, parce qu’il était très très fort. Moi pour aller aussi vite que lui, je me suis achetée un vélo électrique. Y avait les subventions de la mairie, c’était cool. C’était plus facile de respirer.

Alors on se retrouvait à faire des boucles à l’hippodrome de Longchamp. Là-bas, il y a une voie entière dédiée aux vélos qui font des boucles. On faisait 1-2-3-4 boucles selon la forme. J’avais l’air stylée. Des gens me disaient :
« wa la belle bête »
« oh la chance un électrique »
« oh la triche un électrique »
La chance, la triche. Je me demande encore si j’ai eu de la chance. Je me demande encore si je triche.

Et puis y a eu les fractures des pieds. Plein. Les deux pieds. Alors y a eu le fauteuil. Qu’est-ce qu’on s’ennuie sur le fauteuil.

Alors j’ai repris mon vélo, tout doucement. On n’est pas allé à Longchamp. Avec l’aide de mon ami de vélo, j’ai posé mes petits pieds cassés sur des pédales désormais tellement accueillantes. J’ai mis la batterie en route. Mes jambes restées si longtemps immobiles ont commencé à tourner toutes seules, sans effort. Je sentais l’énergie filer depuis mes jambes tournantes vers ma tête. Ça me rendait heureuse. Ça me faisait tourner la tête. Ça étirait mon sourire.

Je me suis dit que j’avais de la chance. Que c’était pas de la triche.

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Y a la télé, et y a la vraie vie !

Scénario Plus Belle La Vie épisode 3830 – Extraits 

Fin de l’intrigue Emma & Baptiste à qui l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) avait retiré le bébé Matis qui présentait des bleus sur tout le corps ; donc il y avait soupçon de maltraitance.

Ce serait quoi ? (ndlr, la cause des bleus) Une maladie héréditaire ? (Emma, mère de Matis)

Une maladie, mais une maladie grave ? (Mirta, la grand-mère de Matis)
Ben apparemment non puisque Baptiste l’aurait depuis sa naissance, et il a jamais eu de problème, à part les hématomes une fois.
(Emma)

Ce serait enfin la fin du cauchemar ! (Mirta)

J’ai une maladie génétique très rare, c’est le syndrome d’Ehlers-Danlos, et voilà c’est surement moi qui l’ai transmise au petit. (Baptiste, le tout nouveau diagnostiqué maladie rare)

C’est une maladie héréditaire chelou que quand tu l’as et t’es gamin t’attrapes ses bleus comme ça (Baptiste)

Yes putain les résultats d’analyse de Matis sont positifs (Baptiste, à son père Thomas)
Je suis content pour vous (Thomas, le grand-père de Matis)

C’est génial, Mathis à la même maladie que lui ! (Emma)
C’est super ! (Thérèse, la tata de Matis)
Ah la journée commence bien ! (Mirta)

Bon. Je me suis toujours dit que ce serait super que des maladies rares et méconnues du grand public, mais qui quand même font beaucoup souffrir les gens gentils, passent à la télé. Ou au cinéma. Bref dans un truc cool que plein de gens pas forcément malades regardent avec bienveillance, mieux que les blogs de patients où les malades s’y plaignent tout le temps !

Je vous avais déjà confessé que j’étais addict à Plus Belle La Vie (PBLV) encore plus qu’à ma morphine. Tous les week-ends, comme il n’y a pas d’épisode, j’ai un syndrome de sevrage très intense, j’ai des tremblements, de l’anxiété, de l’agitation, de la dépression, des nausées, état de malaise, des insomnies. Et chaque lundi la vie est belle parce que Plus Belle La Vie reprend.

Cette fois j’ai compris qu’en fait la télé c’était vraiment pas la vraie vie ; même dans Plus Belle La Vie, qui essaye pourtant de coller à l’actu avec la coupe du monde de football féminin, qui essaye de véhiculer des messages de paix envers la communauté transgenre, etc. Bref plein de trucs ultra bien ultra stylés pour « éduquer les spectateurs », ou plus modestement, leur ouvrir l’esprit. Par exemple côté maladie/handicap en ce moment on suit le sublime combat de Luna qui se retrouve subitement dans un fauteuil roulant après un gros accident de voiture. Elle est vraiment sublime cette « intrigue », elle vous rend fort elle vous renforce. Ça pourra peut-être encore un peu plus changer les regards sur les fauteuils roulants. Un peu à la façon du film Intouchables avec Omar Sy en garde malade, où mes amis en fauteuil m’avait bien rapporté une augmentation signifiante de la bienveillance envers leur petite personne aux alentours de la diffusion du film. Faut savoir que PBLV, c’est quand même chaque soir parfois jusqu’à 4 millions de spectateurs (et je ne suis pas marseillaise justement).

Mais donc vous l’avez probablement compris, si vous avez le malheur d’avoir le syndrome d’Ehlers-Danlos…fallait pas compter sur PBLV sur ce coup-là, dommage.

Petites précisions en vrac comme ça, que ma tête scande à ma tête à chaque fois que je relis ces extraits du scénario. Attention j’enclenche le mode « patient qui se plaint », c’est le moment de stopper la lecture de cette article si vous n’aimez que les bonbons roses goût Plus Belle La Vie 🙂

– les bleus dans le syndrome d’Ehlers-Danlos c’est disons, 1% des symptômes. Tant mieux si Baptiste n’a aucun autre symptôme pour l’instant. On ne lui souhaite pas, mais ça a tendance à se manifester plus fort à mesure que l’âge avance.
– la gêne occasionnée par les bleus, c’est disons 1 de la souffrance globale générée par la maladie. Pour ceux qui veulent en savoir plus, les infos sont nombreuses sur Google et d’assez bonne qualité. Par exemple cet article du Figaro Santé.
– il n’existe pas à ce jour de test génétique pour diagnostiquer la maladie, nulle part dans le monde (sauf si la prod’ PBLV a investi dans un centre de recherche pour la maladie ?!)
– en vrai pour avoir un rendez-vous en centre de diagnostic en France vous attendez 12 mois (je suis sympa). Et pas 1 jour comme Baptiste. Même si on a un papa médecin à l’hôpital comme Baptiste. Même si on connaît le Directeur des Hôpitaux de Paris. Eh oui.
-enfin en général, l’annonce d’un diagnostic ce n’est pas « la fin du cauchemar » mais plutôt le début du cauchemar, du moins dans les débuts de la grande aventure de la maladie. Même si là, pour l’intrigue de PBLV, ok, on a bien compris que la maladie c’était cool parce que après avoir été bien tenus en haleine plusieurs semaines, les spectateurs se réjouissent que l’enfant puisse être enfin rendu à ses parents. Évidemment ça c’est super ultra méga génial.
-même réserve pour les punchlines « c’est génial » « c’est super » « la journée commence bien ». Y a comme un décalage amer les gars. Au moins un petit passage du type « mince quand même petit bichon à une maladie il faudra bien le prendre en charge pour tenter d’améliorer d’éventuels autres symptômes dans sa vie future ».

Sur ce, aujourd’hui c’est dimanche, y a pas Plus Belle La Vie. Du coup mon syndrome de sevrage à son paroxysme, insomnie, alors je gratte e, pleine nuit sur le blog. J’aimerais que la nuit commence bien… Aussi bien qu’un début de journée diagnostic de maladie commence pour Mamie Mirta !!

A bientôt les lecteurs <3

 

 

PS : idée pour France 2 ! peut-être que Un si grand soleil pourrait faire une intrigue avec le syndrome d’Ehlers-Danlos en mieux ? comme les deux séries sont au coude à coude…!

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Freddy le taxi

Bon. Aujourd’hui c’est Fredo qui m’a emmenée à l’hôpital.

Ça faisait longtemps que je me disais qu’il fallait que j’écrive un billet de blog sur ces chauffeurs de taxi géniaux qui nous emmènent à l’hôpital, quand on est trop malade pour y aller par nos propres moyens.

Ces taxis qui nous emmènent à l’hôpital sont un peu particuliers parce qu’ils ont accepté de faire des courses « conventionnées », c’est-à-dire remboursées par la sécurité sociale. Selon les situations, vous avancez les frais ou pas, et dans tous les cas il y a un gros tas de paperasse à se coltiner pour le chauffeur, un peu éventuellement pour le patient ; mais c’est quand même un bon système, merci l’assurance maladie française. Comme il y a de la paperasse à se coltiner, rares sont ces chauffeurs de taxi qui acceptent de faire des courses « conventionnées ». En outre, les chauffeurs de taxi peuvent aussi, comme plein de gens, ne pas aimer transporter des malades. Eh oui, les malades se plaignent, ne sont pas drôles, pire ils vomissent. Et dans tous les cas, ils sont tristes.

La tristesse, voilà de quoi je voulais vous parler ici. A chaque fois que j’ai pris le taxi, le monsieur (à chaque fois c’était un monsieur) était d’une gentillesse, d’une délicatesse, d’une politesse, hors norme. Il pose quelques questions, très délicates. Demande si on va souvent à l’hôpital, si c’est grave ou pas. Si vous ne pouvez pas parler parce que vous avez trop la nausée, c’est possible aussi. Et c’est possible aussi de se faire remonter le moral, de rire. C’est très important ça, parce qu’on est souvent triste d’aller à l’hôpital.

Une fois je suis tombée sur un sacré numéro. Je l’avais attendu près de 2h à l’accueil de l’hôpital. L’hôtesse d’accueil m’avait lancé « vous voulez un taxi ?! eh bien j’espère que vous êtes patiente ! ». Je n’avais pas compris de suite. Évidemment j’étais une patiente, j’étais à l’hôpital. Évidemment j’allais être patiente et attendre, puisque j’étais trop malade pour rentrer chez moi toute seule comme une grande. Souvent les gens croient que rentrer en taxi c’est méga-classe-luxe-de-fou. En fait non, la méga-classe-luxe-de-fou, c’est d’être en assez bonne santé pour aller se frotter aux congénères dans les métros qui nous transforment en sardines en boîte à l’huile de sueur. Ça c’est la méga-classe-luxe-de-fou. Mais bref je m’égare.

Alors une fois, je suis tombée sur un sacré numéro de chauffeur. Le numéro gagnant. L’âge grisonnant, la sagesse qui fait la voix rauque, la posture qui inspire la confiance. Le chauffeur m’a raconté la plus belle de ses histoires. Sa plus longue course de sa vie de taxi. Alors qu’il débutait dans le métier, un petit matin à l’aube il roulait dans Paris, quand sur le Pont Alexandre III, un petit monsieur trapu avec des lunettes noires l’avait hélé, et était monté dans sa voiture. C’était l’été, il faisait beau et très chaud. Le trapu aux lunettes noires avait dit « Rome ». Et le taxi avait roulé sans s’arrêter jusqu’en Italie. J’ai su tous les détails, la peur, l’excitation, le silence, l’argent, les conséquences administratives, l’amour de son métier. Il m’avait fait oublier que je sortais de l’hôpital. C’était trop cool.

Je me disais que ces types étaient vraiment chics, jusqu’à ma rencontre ce matin avec Fredo. Fredo c’était l’antinomie du taxi. C’était le côté obscur de la voiture. C’était l’inconscient pervers de tout l’univers. En trois mots, Fredo m’a envoyée au plus profond du trou, et j’ai pleuré pendant toute la course jusqu’à l’hôpital. Eh oui, parce que quand on va à l’hôpital, on est triste.

Après avoir vécu la mauvaise expérience avec Fredo, j’aurais été capable de tout endurer dans le métro. Même avec mes trop lourds fardeaux. Mais à l’hôpital la fée-docteure m’a consolée, et a fait venir pour moi, un nouveau carrosse.

C’était celui de Freddy. Freddy était super gentil, comme tous ses autres Chers Confrères d’avant Fredo. Il savait que quand on allait à l’hôpital, on était triste. Et aussi quand on en sortait. Il savait que derrière toute la paperasse des courses conventionnées, se cachait beaucoup de tristesse. Dans sa formation de taxi, il n’y avait pas de module « être gentil avec le client, encore plus s’il est malade ». Mais, Freddy m’a dit qu’il était heureux d’être gentil. Et d’aider comme il le pouvait, les gens tristes. Pour qu’ils soient un peu plus heureux.

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Petites phrases à bannir des oreilles du malade

Bon, il y a plein d’endroits sur le blog où revient une même question en filigrane… Et à laquelle je ne trouve toujours pas la réponse ! C’est : que faudrait-il dire, ou ne pas dire, à une personne qui est malade ?

Un jour avec des patients et des copains médecins et des futurs médecins, on a eu un projet fou : dresser une liste des choses qu’il conviendrait de ne pas dire. Genre des petites phrases taboues-gaffes-qui n’aident pas. La grosse difficulté, c’est que l’effet potentiel de ces petites phrases, il dépend beaucoup de la sensibilité et du vécu de la personne à qui on s’adresse.

Certains mots feront du bien à d’autres, d’autre non.

Par exemple, je me souviens une fois, lors de mes débuts de blogueuse, une malade m’écrit, me raconte ses malheurs, me remercie pour le blog. Je tente une petite réponse sympa, ce n’est pas toujours facile, et je termine par « bon courage ». J’aime bien ce « bon courage » moi, surtout entre patients, ça me fait l’effet d’un tope là suivi d’une accolade. Mais à ma malade, ça ne lui a pas plu du tout du tout du tout. Je l’avais super vexée, même si elle disait me pardonner. Eh oui, j’avais pas fait exprès, je suis sympa 🙂

Bon, mais allez, je vous propose qu’on la tente quand même cette liste ! J’y mets ce que je n’aime pas moi, et j’y mets ce que vous m’avez déjà dit vous (sur Twitter, notamment). Cette liste est à compléter mes chers lecteurs, n’hésitez pas à commenter, m’écrire ! Je la mettrai à jour, on la glissera aux oreilles des universités de médecine 🙂 Enfin, dans le cas où il reste des phrases qu’on peut dire !!

C’est parti pour ce premier article de blog participatif !

– oh là là
– vous n’avez vraiment pas de chance mon/ma pauvre
– vous êtes jeune, ça va aller (plébiscité par 115 likes à ce jour !)
– c’est normal pour votre âge (si vous avez plus de 50 ans)
– ne vous inquiétez pas / il ne faut pas s’en faire
– il faut de la volonté pour guérir
– la méditation a de très bon résultats
– c’est psychologique (et ses dérivés)
– mais pourquoi vous angoissez ?
– bon courage
– ça va bien se passer (je vous conseille ce billet de Delphine Blanchard)
– vous en avez vu d’autres
– avec tout ce que vous avez vécu, ce n’est rien
– il faut prendre sur vous
– vous êtes stressé en ce moment ?
– mais vous avez trop de symptômes !
– tu as l’air en forme pourtant

Le sage point de vue de Isabelle Boisier : « Dans ma blouse de soignante je me suis toujours dit que le mieux était de demander au patient comment il se sentait et de le rassurer en partant de sa réponse. Pas avec une phrase toute faite. »

Mon point de vue de gaffeuse : peut-être qu’on peut tous dire des phrases qui seront mal perçues, mais si on est à l’écoute de la réaction de l’autre, on peut s’adapter, éventuellement reformuler…

 

PS : merci à vous qui avez commencé cette liste ! Je mettrai à jour vos phrases au fur à mesure des commentaires 🙂

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C’est quoi l’aidant ?

Bon. C’était y a longtemps. J’avais eu plein de petit problèmes somatiques compliqués, des infections des inflammations des surinfections des douleurs des AR à l’hôpital et chez le Docteur. Et puis y a eu la petite consultation de psychiatrie. Quand y a plein de problèmes somatiques, il finit en général par y avoir des problèmes pas somatiques = psy.

Je ressortais de cette consultation psy avec une ordonnance grosse comme le bras. La docteure avait fait un truc cool, qui consiste à gonfler les doses que prennent les patients pour que ceux-ci ne soient pas forcément obligés de revenir tous les 28 jours pile. Quand y a une bonne relation de confiance et que le patient comprend bien son traitement, je trouve ça cool que le Docteur soit cool comme ça.

J’étais toute fière de cette grosse ordo, je me disais que si je prenais tout ça vraiment je planerais bien bien fort ahah. Alors je montrais mon petit Graal à celui qui connaît le mieux mes petites affaires d’hôpital, et qui est devenu à force de m’accompagner un véritable pharmacien, bien que traînant une santé de fer inébranlable.

Il contemplait lui aussi avec grande satisfaction l’Ordonnance, et puis il a dit : « Et moi je prends quoi dans tout ça ? »

Seulement à ce moment-là j’ai compris. J’ai vécu cette phrase comme une dégringolade. Je pensais que c’était moi la malade. Je pensais que l’autre d’être si constant et de ne se plaindre jamais ne souffrait pas. Je pensais que je pouvais me moquer de mes grosses ordonnances quand je le décidais. J’ai compris qu’il souffrait aussi.

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