Ça se passe comment la mort ?

Bon. Ça fait longtemps que je voulais aborder ce sujet. Et puis ça n’était jamais le bon moment. Malheureusement je crois que maintenant c’est le bon moment.

Pour la personne qui va mourir = le patient, a priori ça va bien se passer. Ce n’est pas obligé de souffrir avant, surtout avec les médicaments à disposition des Docteurs maintenant. Je suppose (parce que je ne suis pas encore morte) que ça fera environ comme une anesthésie générale. Vous vous sentirez un peu mollasson. Vous allez avoir envie de vous accrocher aux derniers instants, éventuellement vous allez serrer de toutes vos forces une main tendue près de vous. Cette main tendue elle va vous aider beaucoup à accepter de vous abandonner. S’il n’y a pas de main, vous penserez qu’elle pourrait être là quand même. Elle cristallisera tout l’amour que vous avez reçu dans votre vie, de tous les côtés. Depuis le sourire discret du pharmacien jusqu’au sentiment de votre mère à la naissance, en passant par tous vos amoureux et amoureuses.

Pour les proches du mort, ça va être un peu plus dur que pour le patient qui meurt. On va repenser aux souvenirs, et on sera triste de ne plus pouvoir en construire de nouveaux. Notre peine sera définitive. Mais on sera rassuré de s’abandonner à l’idée que notre proche mort s’est abandonné. Notre défunt n’est pas malheureux. Il n’a pas souhaité que la tristesse liée à sa perte nous paralyse et nous empêche de vivre. Vivre, c’est aussi s’abandonner, alors continuons de vivre, et de penser à la puissance de toutes les mains qui peuvent se serrer fort entre humains vivants. Évidemment et encore plus dans le contexte actuel, les mains serrées c’est une métaphore. C’est votre voisin que vous ne connaissiez pas qui dépose vos courses sur le palier ; c’est le dialogue partagé avec les personnes que vous aimez le plus depuis très longtemps.

Pour les soignants du patient qui est mort, ça va aussi être un peu plus dur que pour le patient qui meurt. Les soignants, comme les proches, vont repenser aux souvenirs partagés avec le patient. La relation soignant-patient est une relation professionnelle, mais elle n’est cependant pas dénuée d’amour. Cet amour se cache derrière des règles déontologiques. Mais on ne devient pas soignant sans être guidé plus ou moins par de l’amour. Moi je ne suis pas soignante, mais j’ai déjà échangé avec un soignant qui avait malheureusement l’habitude de perdre des patients, parce qu’il exerçait dans une spécialité très confrontée à la mort. Et il m’avait dit : « Quand je perds un patient, je me concentre immédiatement sur le prochain patient, qui a tout autant besoin de moi que le précédent. » Et les patients sont et seront nombreux…

Courage à tous…

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